Il probable que si nous croisions dans la "vraie vie" l'un des personnages de Dominique Mainard, nous le trouverions bizarre...
Enfin, je dis ça, mais pour l'instant, je n'ai lu que deux romans de cette auteure. Toujours est-il que les héros qui y apparaissent ont de nombreux points en commun.
D'apparence vulnérable, ayant gardé une candeur d'enfant, ils se sont bâtis un monde intérieur au sein duquel ils évoluent plus facilement que dans une réalité avec laquelle ils semblent décalés.
Afin de survivre en dépit de leurs fêlures, ils s'inventent des stratégies pour les oublier, les dissimuler au reste du monde et surtout à eux-mêmes.
Heureusement, ces fragiles créatures trouvent parfois sur leur chemin des âmes assez charitables pour s’occuper d'elles.
Ainsi, dans "Je voudrais tant que tu te souviennes", Nala qui, se sentant mourir, a voulu regagner son pays natal, a confié à sa nièce Julide le soin de s'occuper de Mado, son amie de longue date. Julide est une adolescente intelligente mais réservée et solitaire dont l'avenir semble tout tracé puisque ses parents ont convenu de la marier à son cousin, un jeune homme insignifiant et timide. En attendant cette triste échéance, Julide passe beaucoup de temps avec Mado, que le lecteur découvre peu à peu. Il est difficile dans un premier temps de cerner cette singulière héroïne, car c'est au compte-goutte que Dominique Mainard nous livre les informations à son sujet.
On apprend que c'est la poliomyélite qui l'a rendue boiteuse, et que si ses cheveux ont cette drôle de teinte orange, c’est grâce aux masques de henné que Julide, prenant ainsi le relais de sa tante, lui fait régulièrement.
Mado donne l'impression d'être une créature chétive et craintive, qui passe une grande partie de ses journées à photographier ces petites choses qui, sur le sol, la fascinent : un bouton perdu, une tâche d'huile, un brin d'herbe légèrement différent des autres...
"L'indien", quant à lui, est davantage passionné par le spectacle du ciel, qu'il peut contempler pendant des heures, perché sur les hauteurs des arbres ou des toitures, consignant ensuite dans un cahier son ressenti, sous la formes de signes qu'il est le seul à comprendre. De ville en ville, il sillonne le monde et met au service de ceux qui en ont besoin son étrange talent d'équilibriste, et sa dextérité manuelle. S'il est présent dans la ville où habite Mado, c'est pour réparer la girouette qui couronne les halles du marché.
Que se passerait-il, si ces deux êtres dont les regards -l'un perdu vers l'immensité du ciel, l'autre absorbé par les détails de la terre ferme- ne devraient logiquement jamais se croiser, se rencontraient ?
Dominique Mainard a une façon très délicate d'amener le lecteur à faire connaissance avec ses héros. Elle dévoile peu à peu leurs blessures, qui peuvent dans un premier temps sembler anodines, mais qui finissent par se révéler béantes, comme pour nous démontrer qu'en dépit de l'aspect parfois tragique que prennent certaines existences, elles sont aussi le théâtre de petites accès de bonheur et de beauté.
Les liens qu'entretiennent entre eux ses personnages ont beaucoup d'importance. Mais ce qui intéresse l'auteure, ce n'est pas de faire de l'étalage de bons sentiments, de dépeindre de grandes effusions ; c'est d'évoquer ces petites attentions révélatrices de l'importance qu'un être revêt pour l'autre, ces intuitions qui nous amènent à une meilleure compréhension de ses besoins.
Dominique Mainard possède un talent extraordinaire pour parer les petits détails d'une signification particulière, pour nous émouvoir d'un mot, d'une phrase. Son récit résonne d'un justesse et d'une sensibilité immensément touchantes.
Hormis peut-être quelques longueurs, mais qui n'ont pas vraiment altéré mon intérêt, tout m'a plu dans ce roman : l'harmonie entre retenue et puissance d'évocation, la singularité des personnages, dont on se sent proches malgré tout, peut-être parce que derrière chaque ligne qu'elle écrit, on devine sans peine toute la tendresse que l'auteure éprouve pour eux...
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