Professeur d’histoire proche de la quarantaine, John rentre à Londres après un séjour en France, pays dont il affectionne particulièrement la culture et la langue, qu’il parle couramment. Personnage falot, insignifiant, sans véritable ami ni famille, il souffre de la platitude et de la médiocrité de son existence. Lors d’une halte au Mans, il fait la connaissance d’un homme qui est son parfait sosie. Au lendemain d’une soirée fortement arrosée en compagnie de ce double qui le met mal à l’aise, John est réveillé par un individu qui se prétend son chauffeur et qui lui donne du « Monsieur le Comte »…Le comte en question a disparu, et avec lui toute trace de l’identité du professeur, dont il a emporté papiers, vêtements et véhicule. Bien que sa première impulsion soit de dissiper le malentendu, John se laisse rapidement prendre à ce rôle, qu’il va jouer auprès de la famille de Jean de Gué –le comte- qui n’y voit que du feu.
Bien que je reconnaisse à ce « Bouc émissaire » de grandes qualités, mon impression à l’issue de cette lecture est plutôt mitigée. Pourtant, c’est avec habileté que Daphné Du Maurier exploite cette idée d’interversion des rôles, qui m’a au départ un peu refroidie, parce que c’est un subterfuge que je trouve complètement invraisemblable, et qui a été largement utilisé depuis, et ce de façon plus ou moins heureuse. Je dois effectivement avouer que malgré mon a priori, cette invraisemblance ne m’a pas gênée, ici. En effet, cet échange m’a semblé n’être qu’un prétexte dont l’auteur se sert afin de se livrer à une fine analyse des rapports que peuvent entretenir les individus avec les autres et avec eux-mêmes, et des interactions qui influencent les relations humaines au sein d’un groupe. Interactions d’autant plus complexes et subtiles que les personnages dont il est question sont amers et malheureux, liés par de malsains secrets, minés par d’inavouables jalousies. Et c’est avec talent que l’auteur met en lumière l’ambiguïté présente en chaque individu, la frontière souvent fragile qui sépare le bien du mal, la séduction qui peut émaner de ceux qui apparaissent comme malfaisants, et qui suscitent malgré tout l’amour de certains de leurs proches.
Le cadre même du récit se prête à merveille à cette atmosphère lourde et sinistre : un château isolé au fond de la campagne, des tourelles enveloppées de brume, des chambres aux sombres rideaux souvent fermés…
Je crois finalement que ce qui a gâché mon plaisir, c’est que ce roman m’a semblé « vieillot » ! Ce château, justement, vétuste et délabré, ces personnages un peu démodés dans leur langage etcertaines de leurs façons d’être (notamment ce rapport à la religion qui s’apparente à de la superstition)… m’ont finalement empêché d’entrer vraiment dans leur histoire, ou d’éprouver la moindre empathie.