4 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 3 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
Mots-clés associés à cette oeuvre : creation, ecriture, lecture
|
[En vivant, en écrivant | Annie Dillard] |
|
|
Auteur |
|
Message |
apo
Sexe: Inscrit le: 23 Aoû 2007 Messages: 1959 Localisation: Ile-de-France
|
|
Posté: Dim 02 Aoû 2009 17:48
Sujet du message: [En vivant, en écrivant | Annie Dillard]
|
Commentaires : 0 >> |
|
Je renvoie volontiers à l’excellente analyse de Franz, grâce à qui j’ai pris connaissance de ce petit délice.
Pour ajouter mon propre grain de sel, je dirai que ce livre est un hybride d’autobiographie d’écrivain et d’essai sur l’écriture. Il se compose de trois matériaux divers qui s’alternent continuellement :
1. de réflexions un peu prescriptives sur le « métier », écrites à la deuxième personne (« tu »), comme dans l’enseignement à un disciple ou peut-être dans un monologue intérieur – ex. l’incipit « En écrivant, TU déploies une ligne de mots. » ;
2. de parties autobiographiques, où une grande attention est portée aux lieux où a été composé tel ou tel autre travail de l’auteure, écrites à la première personne – ex. le début du ch. IV : « Quelle est cette vie d’écriture ? Une fois, J’habitais seule une maison et J’avais installé un bureau au rez-de-chaussée. Une machine à écrire portable verte, de marque Smith-Corona, était posée sur la table contre le mur. JE commis l’erreur de quitter la pièce. » ;
3. de divagations de longueur très variable (d’un minimum de deux lignes à la totalité du ch. VII sur l’aviateur Dave Rahm), dont la pertinence, proportionnelle à la subtilité, à la lucidité, à l’intelligence de l’auteure, ne se révèle d’habitude qu’après coup, de préférence après détournement hors du texte de notre regard de lecteur, ou mieux encore, en fermant carrément le livre pour fixer le sourire énigmatique d’Annie sur la couverture ; ces divagations sont évidemment écrites à la troisième personne – ex. ch. I p. 16, après une métaphore de la « ligne de mots » comme « fibre optique » : « Peu de spectacles sont aussi absurdes que celui de la chenille géomètre menant son existence stupide. Ces chenilles sont les larves de plusieurs papillons, diurnes ou nocturnes. » […].
Une cit. me semble particulièrement réussie (pour rendre le ton de l’ouvrage ainsi que pour son contenu) :
« Les bonnes journées ne manquent pas. Ce sont les bonnes vies qui sont rares. Une vie composée de bonnes journées vécues à travers les sens ne suffit pas. Une vie consacrée aux sensations est une vie de gourmandise ; elle exige toujours plus. La vie de l’esprit exige toujours moins ; le temps est ample et doux son passage. Qui qualifierait de bonne une journée passée à lire ? Mais une vie passée à lire – voilà une bonne vie. » (p. 47).
C’est un essai qui peut être lu d’une traite, mais qui gagne sans doute à ne pas l’être.
|
|
|
|
|
|
|
[En vivant, en écrivant | Annie Dillard] |
|
|
Auteur |
|
Message |
Franz
Sexe: Inscrit le: 01 Déc 2006 Messages: 1992 Localisation: Nîmes
|
|
Posté: Ven 24 Aoû 2007 22:58
Sujet du message: [En vivant, en écrivant | Annie Dillard]
|
Commentaires : 0 >> |
|
« Vivre ou écrire (et tourner le dos à la vie) pose un dilemme à l’écrivain américain Meta Ann Doak alias Annie Dillard. En 142 pages et 7 courts chapitres, l’auteur parle des affres de l’accouchement d’une œuvre qui tienne debout. Par des phrases simples et claires, elle mêle ses réflexions parfois péremptoires et contradictoires à des citations d’auteurs majeurs (Thoreau, Emerson, Theilhard de Chardin…). Elle entrecroise aussi son discours à d’autres récits qu’elle a déjà écrits comme Le pèlerinage à Tinker Creek composé en 1974. Afin de rendre sa pensée compréhensible, elle lance des comparaisons et des métaphores et surtout elle ancre sa pensée dans son environnement immédiat : sa cabane en pin à Cape Cod, le cabinet de lecture dans la bibliothèque de l’université de Hollins en Virginie, sa cabane sur une île esseulée et à peine peuplée du détroit de Haro, dans l’Etat de Washington. Elle pratique la digression qui est sensée donner une résonance à son propos : la partie de softball avec des jeunes musiciens, la partie d’échec avec un bébé, la coupe de bois (« Vise au-delà du rondin, vise à travers le rondin ; vise le billot »). Elle finit par dériver de son projet initial et s’éloigner de l’œuvre en train de se faire. En cela, elle n’obéit pas à son précepte du début : « Le processus n’est rien ; efface tes traces. Le chemin n’est pas l’œuvre. » A-t-elle lu Paul Klee (qu’elle cite à plusieurs reprises) qui condense une pensée autrement plus porteuse de sens en une formule lapidaire : « L’œuvre est chemin » ? Le parallèle avec la peinture est intéressant : « L’écriture originale façonne une forme. Elle se déroule vers le vide » ; « La vision est la structure intellectuelle et la surface esthétique de l’œuvre. » On sent les hésitations et les atermoiements d’Annie Dillard à mesure que son récit s’élabore et c’est là l’essentiel de sa force et de sa portée. Le septième et dernier chapitre, le plus convaincant, le plus consistant et le mieux écrit est consacré au pilote acrobatique Dave Rahm, génie des airs qui « utilisait son avion de manière inépuisable, comme un pinceau glissant sur l’air ». Rahm est un artiste mais sa vie est totalement engagée dans son œuvre c’est-à-dire dans les vires et les voltes de son biplan : « Lorsque Rahm volait, il s’asseyait au beau milieu de l’art et s’y sanglait. Il le faisait tournoyer tout autour de lui mais lui-même ne le voyait pas. » Annie Dillard cherche la beauté. Elle pratique une « littérature des illuminations ». Elle la restitue parfois entre deux phrases, en suspension au bout des points.
|
|
|
|
|
|
|
[En vivant, en écrivant | Annie Dillard, Annie Dillard] |
|
|
Auteur |
|
Message |
Nadjalou
Sexe: Inscrit le: 15 Déc 2006 Messages: 77 Localisation: Strasbourg
|
|
Posté: Ven 29 Déc 2006 11:33
Sujet du message: [En vivant, en écrivant | Annie Dillard, Annie Dillard]
|
Commentaires : 3 >> |
|
Grande découverte. C'est le premier livre que je lis de cette femme. Mais alors, quelle finesse et quelle profondeur ! C'est un livre pour ceux qui aiment écrire. Là, on est dans la mine, on suit avec l'écrivain (presque à quatre pattes) les galeries souterraines qu'elle emprunte. On vit avec elle le rapport à la matière, le rapport aux mots, à la phrase, au rythme, à la structure. Ne croyez pas que c'est ardu, rebutant. Tout au contraire, c'est captivant. Pas à un instant, je n'ai eu envie de faire demi-tour. Non, j'ai aimé être sur ses traces. J'ai aimé son exigence, ses doutes, sa ténacité, sa quête. J'ai aimé l'écriture, vivante, vibrante. Oui, Annie Dillard célèbre dans ce petit livre le travail physique de l'écrivain. La relation alchimique entre le corps de l'écrivain et la matière des mots. C'est puissant.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|