4 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
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[La Mal-Mesure de l'homme | Stephen Jay Gould] |
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apo
Sexe: Inscrit le: 23 Aoû 2007 Messages: 1965 Localisation: Ile-de-France
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Posté: Lun 05 Sep 2016 9:11
Sujet du message: [La Mal-Mesure de l'homme | Stephen Jay Gould]
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Cet essai trace l’historique des théories visant à établir le racisme sur des bases scientifiques – biologiques et statistiques – et les déconstruit avec les propres armes scientifiques de leurs auteurs. Par racisme scientifique, on entend l’hypothèse que l’intelligence consisterait dans une entité réifiée, unimodale, mesurable – donc hiérarchisable – et génétiquement déterminée. Ces théories s’avèrent infondées soit à cause de postulats erronés, soit de mesures et calculs biaisés, manipulés ou carrément falsifiés (Burt). Que les scientifiques aient été de bonne ou mauvaise foi (et l’auteur tend à leur créditer la bonne foi jusqu’à preuve du contraire), il est cependant évident que leurs théories ont été élaborées non par déduction à partir de l’empirie mais comme tentatives d’assurer une assise scientifique à l’idéologie (et parfois à l’autocomplaisance) qui les habitait et qui régnait dans le contexte social et culturel en vigueur : ainsi peut-on noter sur le racisme d’une même époque (années 1910-1920) que « si le problème racial tenait le premier rang des préoccupations sociales aux Etats-Unis, son équivalent en Grande-Bretagne était bien celui des classes. » (p. 324).
Trois conclusions m’ont bouleversé :
- Au cours d’une période de quelques décennies seulement – grosso modo entre 1850 et 1935 – ces théories, toujours assez vite falsifiées, ont dû faire appel à un corpus mathématique extrêmement complexifié : du simple pesage des cerveaux à l’analyse factorielle avec rotation des axes…
- En dépit des progrès spectaculaires de la génétique qui révèle que « les différences génétiques globales entre les races humaines sont étonnamment petites » (p. 365), malgré une compréhension de plus en plus parfaite du darwinisme qui refusa dès le début tout déterminisme biologique des inégalités – cf. cit. de Darwin en exergue (et passim) : « Grande est notre faute, si la misère de nos pauvres découle non pas des lois naturelles, mais de nos institutions » - les tentatives de « scientifisation » des racismes (sexisme, classisme etc.) perdurent (au moins jusqu’à 1994 et au livre de Herrnstein-Murray intitulé : The Bell Curve).
- De même que ces théories sont le fruit d’idéologies ambiantes, souvent elles ont été responsables de mesures politiques et législatives d’une violence inouïe : même sans convoquer le racisme nazi et la Shoah ni le racisme européen et les colonisations de tous les autres continents, l’héréditarisme américain a directement provoqué l’Immigration Restriction Act de 1924 (première relation infâme entre racisme et immigration ?), et les pratiques frauduleuses de Burt le Butler Education Act de 1944 qui, par une sélection par examen sur QI (« 11 + ») ont relégué 80% des collégiens anglais dans une scolarité les excluant des universités, jusqu’au milieu des années 1960 (p. 334).
Grandes sont nos fautes…
Celle que je donne à ce livre, et qui m’empêche de lui attribuer une note supérieure, est simplement d’être immensément prolixe, même hormis le technicisme.
Cit : «[…] si l’holocauste arrivait et que les seuls survivants en soient une petite tribu au fin fond des forêts de la Nouvelle-Guinée, la quasi-totalité de toutes les variations génétiques qui s’expriment actuellement au sein des innombrables groupes d’une population de quatre milliards d’hommes serait préservée. » (p. 365-366)
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[La Mal-Mesure de l'homme | Stephen Jay Gould] |
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Auteur |
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Message |
chlorine
Sexe: Inscrit le: 30 Sep 2006 Messages: 620 Localisation: Paris
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Posté: Dim 15 Avr 2012 11:15
Sujet du message: [La Mal-Mesure de l'homme | Stephen Jay Gould]
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Il s'agit d'un livre de vulgarisation et d'histoire scientifique. L'auteur présente les grandes lignes des courants scientifiques qui ont estimé que l'intelligence pouvait se quantifier par un chiffre unique, et qui ont visé à mesurer ce chiffre, puis à utiliser les résultats pour en tirer des conclusions sur la supériorité de certaines races et/ou de certaines classes sociales. On va du 18e siècle au milieu du 20e, et de la mesure du volume des cerveaux avec de la grenaille de plomb jusqu'aux tests de type QI. À chaque fois l'auteur présente les travaux effectués, et explique en quoi les conclusions obtenues par les scientifiques de l'époque sont fausses, en raison d'erreurs de mesure et/ou de raisonnement.
Un seul point m'a échappé, concernant l'assimilation de l'intelligence à la taille du cerveau. L'auteur réfute certains travaux en disant que les personnes qui les ont effectués à l'époque n'ont pas pris en compte le fait que, plus les gens sont grands, plus ils ont tendance à avoir un gros cerveau, et qu'il faut donc normaliser les tailles des cerveaux des différents groupes étudiés par la taille des gens qui le composent. Il me semble que si l'on pense que l'intelligence est proportionnelle à la taille du cerveau, et que les gens petits ont en moyenne de plus petits cerveaux, alors on doit penser que les gens petits sont en moyenne moins intelligents...
Il s'agit d'un effort énorme de la part de l'auteur, qui a non seulement fait un travail de recherche très important, mais a été jusqu'à se plonger dans les données de l'époque pour refaire les calculs. Le livre est cependant très loin d'être aride, car il est très bien écrit et regorge de petites anectodes, ce qui fait qu'il est très agréable à lire. Ma préférée : un homme ayant fait passer un genre de tests de QI à un grand nombre de soldats américains pendant la première guerre mondiale pensait mesurer l'intelligence innée de ces hommes, et que l'éducation n'avait aucun rapport avec les résultats obtenus. Il a tout de même constaté que les noirs du nord des États-Unis avaient de meilleurs résultats que ceux du sud, or les conditions sociales étaient meilleures pour les noirs au nord, et ils y étaient en moyenne plus scolarisés et plus longtemps. Il en est arrivé à cette conclusion : comme les conditions sociales sont meilleures au nord pour les noirs, les noirs les plus intelligents ont migré vers le nord du pays !
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