Cet ouvrage, dont ou appréciera au moins qu'il est né innocent de toute intention polémique (...), est un vade-mecum du voyage idéal(isé), particulièrement indiqué pour celui qui s'apprête à partir. Structuré selon les étapes mentales du voyage, suite à une introduction très intéressante sur l'errance (et le nomadisme toujours réprimé par les pouvoirs sédentaires), il commence à s'interroger sur la façon de choisir une destination, et se termine en s'interrogeant aussi sur la manière d'opérer une synthèse écrite de nos souvenirs de route. Certes, l'idéalisation n'engage parfois que l'auteur : ainsi de sa prédilection pour le voyage avec un ami (pas en solitaire, pas en groupe, pas en couple, la famille n'étant même pas envisagée), ou de son goût propre et contestable de l'avion. L'intérêt que j'ai porté aux idées, aussi bien apprises que reconnues par identification, a donc été très variable et inégal.
Celles que j'ai trouvé les plus marquantes, je voudrais tout simplement les citer :
"D'une manière somme toute platonicienne, nous sollicitons l'idée d'un lieu, le concept d'un voyage, puis nous partons vérifier l'existence réelle et factuelle de l'endroit convoité, entrevu par les icônes, les images et les mots." (p. 33)
"Les trajets de voyageurs coïncident toujours, en secret, avec des quêtes initiatiques qui mettent en jeu l'identité. Là encore, le voyageur et le touriste se distinguent radicalement, s'opposent définitivement. L'un quête sans cesse et trouve parfois, l'autre ne cherche rien, et, par conséquent, n'obtient rien non plus." (p. 81)
"Entre le désir de trouver sur place les lieux communs incarnés avec lesquels on avait rempli son esprit et celui de se rendre sur une terre absolument vierge, il existe une demi-mesure : elle suppose un art de voyager inspiré par le perspectivisme nietzschéen : pas de vérités absolues, mais des vérités relatives, pas de mètre étalon idéologique, métaphysique ou ontologique pour mesurer les autres civilisations, pas d'instruments comparatifs qui imposent la lecture d'un lieu avec les repères de l'autre, mais la volonté de se laisser remplir par le liquide local, à la manière des vases communicants." (p. 59-60)
"Le voyage fournit en effet une occasion d'élargissement des cinq sens : sentir et entendre plus vivement, regarder et voir plus intensément, goûter et toucher avec plus d'attention - le corps en émoi, tendu et prêt pour de nouvelles expériences, enregistre plus de données que d'habitude." (p. 51-52)
Enfin, mais c'est totalement facultatif et infiniment marginal dans l'ouvrage, une cit. pour les amis "anars" (vous savez qui vous êtes !) de l'Agora :
"Le capitalisme d'aujourd'hui condamne pareillement à l'errance, à l'absence de domicile ou au chômage les individus qu'il rejette et maudit. Leur crime? Etre inassimilables au marché, la patrie des argentiers. [...]" (p. 14)
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