2 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
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[Délivrance | Zülfü Livaneli] |
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Auteur |
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Message |
apo
Sexe: Inscrit le: 23 Aoû 2007 Messages: 1959 Localisation: Ile-de-France
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Posté: Jeu 29 Nov 2007 12:27
Sujet du message: [Délivrance | Zülfü Livaneli]
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Commentaires : 1 >> |
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Un excellent tableau des classes sociales dans la Turquie contemporaine, où l'on note, à travers les 3 personnages emblématiques, que la principale caractéristique de ce cadre sociologique est l'absence d'une classe moyenne (de plus en plus brutale depuis les années 80-90), et que la problématique d'envergure est, pour chacun, son rapport à la tradition et (éventuellement) à la modernité occidentale.
Je suis conditionné, dans cette note ainsi que dans ma réflexion sur ce roman depuis une semaine, par l'échange avec Amiread1 qui m'a beaucoup servi et auquel je juge utile de faire référence. Ainsi, je me suis rendu compte que, tout au long de ma lecture, je recherchais inconsciemment une modification, une évolution des 3 personnages, que je pensais avoir trouvée de la façon la plus véridique chez Djemal. Mais je me trompais. Force est d'arriver à la conclusion que ce roman, après une série de péripéties et d'opportunités offertes aux personnages pour "évoluer", a pris le parti de conclure qu'aucune modification n'est possible. Et là est la thèse qui fait la grandeur du roman, même si j'espérait en trouver une autre... En fin de compte, les 3 personnages sont condamnés à rester prisonniers de leur atavisme... et sans doute la Turquie aussi. (Livaneli dixit, et je m'y associe, tout compte fait). Ainsi, Irfan retournera à sa vacuité d'universitaire poltron, médiocre et provincial (smyrniote, pas plus istanbouliote qu'américain ou européen, cf. p. 385-386), juste débarassé de sa patine "sosyetik" dit-on en turc pour indiquer ce verni de haute société hyperoccidentalisée qu'était celui de sa femme; Meryem, après l'ébriété de la robe blanche, s'émeut pour le shalvar retrouvé, pour le gözleme, et se dirige à grands pas vers une vie de famille qui reproduira intégralement celle de son village de l'Est, avec toute la cruauté dont celui-ci est capable; Djemal, ma foi, reste dans l'indétermination qui est la sienne: il n'a effectivement pas surmonté la haine pour sa cousine, ni ses complexes envers les "élites occidentalisées" (v. la montée ultérieure du parti AKP aux dernières élections), il n'a pas dépassé son hyper-nationalisme (si inquiétant dans la Turquie d'aujourd'hui), ni un islam supersticieux "de village"; peu importe s'il retourne "au pays" (en turc "memleket" indique aussi bien le pays-nation que le pays-village), ou s'il vit à Istanbul la vie du déraciné à l'idéologie villageoise ne lui donnant pas les moyens cognitifs de comprendre le monde qui l'entoure.
Je ne suis pas d'accord sur l'idée que Livaneli s'identifierait avec le Professeur; au contraire, j'observe que l'auteur, comme la plupart des authentiques intellectuels turcs, est extrêmement critique à l'égard du creux et de la fausseté du monde de papier glacé de l'élite turque actuelle: certes, Irfan a des moments de lucidité dans son nihilisme, lorsqu'il essaie de le fuir: les pages sur la mythologie païenne des héros de la presse people et celles sur l'élite républicaine n'ayant pas eu une aristocratie à imiter. Je trouve que, si identification il y a, c'est sans aucun doute avec le personnage de l'ambassadeur (d'autant plus que Livaneli a lui aussi le titre d'ambassadeur près l'Unesco), dont le dépit et la détresse finale montrent bien l'importance dans l'économie du roman, même s'il n'intervient que vers la fin. Solitude et réclusion volontaire (dans un paradis de la nature, si possible); dépit et détresse pour l'impossible dépassement de la "folie" du pays: voici véritablement la position des intellectuels turcs d'aujourd'hui...
Quelques autres idées éparses et disjointes:
- sans doute ce qui a contribué à me faire rechercher si longtemps en vain un aboutissement "optimiste" de la trame, c'est le titre. "Mutluluk" c'est-à-dire tout simplement "Bonheur" dans l'original turc, "Délivrance" choisi par l'habile Shirin Melikoff (chapeau bas! pour sa traduction), "Bliss" c'est-à-dire au sens propre "Béatitude" en anglais. Que de titres divers (avec ou sans connotations religieuses) pour un aboutissement qui s'avère être leur exact opposé...!
- ne pas manquer les excellentes références musicales se trouvant ça et là au fil des pages, en particulier l'analyse de la musique "arabesque" placée dans son contexte sociologique; sachant que Livaneli a aussi la "casquette" (pas aussi insolite qu'on pourrait le présumer) de musicien gauchiste;
- je me doutais bien que la référence au projet de recherche universitaire sur les Bogomiles du Professeur (v. p. 239-240 et passim) n'était qu'un clin d'oeil à quelque chose de réel; j'ai eu la chance inouïe de tomber totalement par hasard, dimanche dernier, sur ce "quelque chose" (qui est presque introuvable: un miracle, dirait Meryem): c'est l'essai de Mine G. Kirikkanat (Saulnier) et Jacques Jeulin intitulé L'Autre nom de la rose (ISBN 2-84608-006-2); sachant la proximité d'âge, d'idéaux et de milieu entre Zülfü et Mine G., il est probable qu'il s'agisse même d'un private joke (car enfin, le Professeur n'a pas bonne presse...!)
- qu'il me soit permis de juger que ce roman de Livaneli, du point de vue de la compréhension de la société turque contemporaine (je ne parle que de ce point de vue) est nettement supérieur aux oeuvres (surtout récentes) d'Orhan Pamuk, car moins "cérébral", et sans doute moins "orienté" vers un lectorat non turc.
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[Délivrance | Zülfü Livaneli] |
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Auteur |
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Message |
amiread1
Sexe: Inscrit le: 16 Mar 2007 Messages: 812 Localisation: Chateaudun
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Posté: Sam 24 Nov 2007 23:05
Sujet du message: [Délivrance | Zülfü Livaneli]
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Commentaires : 2 >> |
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Livanelli , nom sans prénom avant que je découvre Zulful...
C est un livre que je recommande expressement ; Trois personnages qui incarnent chacun une portion de la
Turquie actuelle.
- Meryem jeune fille de 16 ans violée par son oncle, dignitaire religieux, condannée à disparaitre, suicide ou assassinat , l on a le choix...
-Irfan, professeur médiatique (il parle à la TV ...) , en a marre de la vie qu il mène entre sa femme hyper riche, sa vie hyper occidentalisée, ses soucis hyper peu importants...
-Djemal, le cousin de Meryem, chargé de la faire disparaitre, il a combattu dans les commandos qui luttent contre la guerilla kurde...
Tous ces trois là vont se retrouver " par hasard" ( ah les détours et les tours du Roman...) !!
Livanelli nous donne à voir une Turquie plus compliquée que l image consacrée tellement répandue dans les médias.... (pays de contrastes, en route vers la modernité....en proie a l Islamisme intégriste....futur Tigre Ottoman, en référence au Tigre celtique irlandais...), tout cela serait un peu vain s il n était question dans ce livre de l oppression du "Talon de fer" (Jack London dixit ) qui s exerce sur la féminité, sur les femmes ...
Délivrance, le titre du livre c est à la fois la délivrance de notre vieux professeur qui s en va en mer Egée naviguer au gré des vents, et c est surtout la délivrance de Meryem, reléguée dans les nimbes de la société, condannée à la mort, au mieux à l oubli , et , qui, grace à Irfan, notre bon vieux prof intello occidentalisé, va se découvrir une nouvelle vie et rompre avec la tradition ; en fait rompre avec le regard de " l autre" tout simplement,n du moment qu elle se meut dans une societé ouverte.
Délivrance un trés bon livre pour comprendre (un peu..) la Turquie actuelle... prise entre Occident (pour les + riches, ou tout simplement ceux qui ont fait un peu d études) et l Orient (ou supposé tel) peuplé de millions de paysans "incultes" , proie de traditions obscurantistes
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