Lire ces Mémoires de Hongrie, c'est accompagner Marai, ce grand intellectuel dans son cheminement qui le conduit à l'exil : on commence avec la 2° guerre mondiale où la Hongrie "jouit" d'un statut d'alliance avec l'Allemagne, et puis c'est l'occupation nazie en 1944, l'arrivée des Russes qui libèrent le pays, un moment assez flou où le communisme s'installe progressivement, et puis la mise en place d'un communisme rigoureux. Ces passages successifs sont vécus dans la douleur de la dépossession nationale et le questionnement sur le sens de l'acte d'écrire dans un contexte aussi grave. Mais Marai sait aussi insérer le trait humoristique, ou lyrique, l'anecdote, le poème qui rend cette lecture passionnante. A la dernière étape de son cursus, il comprend que non seulement il n'a plus le droit d'écrire, mais qu'il n'a plus non plus le droit de se taire.
Et alors, il quitte son pays :"La nuit était calme, le train s'ébranla sans bruit. Quelques instants plus tard, nous laissâmes le pont derrière nous et poursuivîmes, dans la nuit étoilée, notre voyage vers un monde où personne ne nous attendait. Pour la première fois de ma vie, j'éprouvai un terrible sentiment d'angoisse. Je venais de comprendre que j'étais libre Je fus saisi de peur."
J'ai beaucoup aimé la réflexion sur l'Europe qui, selon qu'on naît à l'ouest ou à l'est apparaît comme une profession de foi, ou un espoir, ou un fonds de commerce.. Et aussi le rôle que joue une langue dans le sentiment d'appartenance à un pays, à des valeurs.
Bref, une oeuvre vaste, complexe et très intéressante à mes yeux.
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