11 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 5 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
Mots-clés associés à cette oeuvre : afrique, afrique du sud, desarroi, faute, fuite, racisme, remords, seduction, vieillir, viol, violence
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Kundry
Sexe: Inscrit le: 30 Juil 2008 Messages: 400 Localisation: Yvelines
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Posté: Mer 15 Mai 2019 14:18
Sujet du message:
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Voici mon second véritable coup de cœur de l'année. Quelle incroyable puissance se dégage de ce roman. Pendant les premiers chapitres j'avais envie de hurler à David Lurie de ne pas se laisser aller à faire ce qu'il faisait, mais évidemment, le narrateur l'a laissé faire...
Un livre puissant, mais qui m'a terriblement remuée et angoissée. Les personnages sont comme pris au piège (de leur émotions, de l'injustice, de la société), et ils semblent si peu se révolter. Ils semblent accepter, ou tenter d'accepter, avec résignation et dans la douleur, des choses qui me donnent envie de hurler. Ils se battent, mais pas pour changer les choses: ils se battent pour accepter.
La peinture de l'Afrique du Sud post-apartheid m'a fait froid dans le dos, tout en faisant écho à certains questions qui se posent aussi en France (mais dans une bien moindre mesure évidemment). Le passé colonial et esclavagiste français, bien que lointain, est encore bien présent dans les esprits. J'ai toujours refusé tout sentiment de culpabilité (comment pourrais-je l'être pour des actes auxquels je n'ai pas pris part, et que je condamne?), mais comme certaines personnes se revendiquent être des victimes "par héritage" (auquel cas il y a symétriquement des coupables par héritage), la question traverse tout de même encore la société française. Je peux dès lors aisément imaginer les problèmes que cela pose s'il n'y a pas 60 ou 200 ans de recul...
Je termine en recopiant une citation d’œdipe, à laquelle le héros pense lors du tout premier chapitre du roman: "Ne dis jamais qu'un homme est heureux avant sa mort".
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[Disgrâce | Coetzee John Michael] |
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Message |
onaris
Inscrit le: 28 Fév 2009 Messages: 1459 Localisation: Occitanie
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Posté: Sam 06 Avr 2013 15:58
Sujet du message: [Disgrâce | Coetzee John Michael]
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Professeur universitaire au Cap, ayant eu des relations avec une de ses étudiantes et plaidant coupable, David Lurie est contraint de démissionner. Il décide alors de passer quelques temps avec sa fille, vivant seule dans une ferme isolée ou elle entreitent aussi un chenil. Puis un jour sa fille est violée par trois vagabonds tandis que lui se fait asperger d'alcool à brûler.
Le livre est construit autour des sentiments, des états d'âme et des réactions des personnages dans une Afrique du Sud post-apartheid.
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[Disgrâce | John Michael Coetzee] |
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Auteur |
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Message |
ingannmic
Sexe: Inscrit le: 22 Aoû 2008 Messages: 737 Localisation: Mérignac
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Posté: Mar 15 Fév 2011 9:27
Sujet du message: [Disgrâce | John Michael Coetzee]
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David Lurie, 52 ans est professeur de littérature à l’université du Cap. Divorcé deux fois, il enseigne sans passion. Tous les jeudis, il a rendez-vous avec Soraya, une prostituée qui lui permet d'entretenir une certaine "hygiène" sexuelle, et il se déclare satisfait de cet arrangement sans contraintes. Mais Soraya cesse brusquement son activité, et cela incite notre universitaire à lorgner avec plus de concupiscence que de raison l’une de ses jeunes étudiantes, Mélanie Isaacs. Son insistance finit par ébranler la résistance de Mélanie, avec qui il entame une liaison, rapidement interrompue lorsque la jeune femme porte plainte. A la suite de ce fâcheux événement, David se retrouve sans emploi et sans maîtresse, et décide d’aller s’installer pour quelques temps chez sa fille Lucy, une homosexuelle pour l'heure célibataire qui vit seule dans une ferme retirée où elle garde des chiens, cultive des fleurs et quelques légumes qu'elle vend sur les marchés.
Quelques jours après son arrivée, le drame survient : Lucy est violée par un trio de jeunes noirs qui de surcroit agressent son père et saccagent sa maison.
De John Maxwell Coetzee, j’ai lu deux romans avant celui-là : "Au cœur de ce pays", qui m’avait littéralement abasourdie par sa puissance d’évocation et sa capacité à immerger le lecteur dans l’esprit malade et torturée de sa narratrice, et "L’homme ralenti", qui décrit sur un ton impersonnel les états d'âme d’un homme vieillissant se trouvant confronté à la réalité de la dépendance, et qui m’avait déçue.
Dans "Disgrâce" également, le ton est relativement impersonnel. L’auteur décrit les événements que subissent ses personnages et leurs réactions face à ces événements comme s’il le faisait en prenant du recul, avec le regard d’un observateur éprouvant peu d’empathie pour ses héros. Et d’ailleurs, le personnage de David Lurie n’est pas particulièrement attachant. Je l’ai trouvé assez présomptueux, se sentant investi d’une sorte de supériorité que lui confèrerait son statut d’universitaire, et sa façon d’aborder son étudiante pour la persuader de coucher avec lui m’a paru presque malsaine. Même lorsqu’il revendique la passion qu’il dit éprouver pour cette jeune femme, et qui l’a conduit à agir de façon pulsionnelle, il ne m’a ni convaincue, ni touchée.
A sa décharge, il évolue néanmoins au fil du récit. En venant vivre chez sa fille, il fait connaissance avec un monde bien différent de celui dans lequel il évolue habituellement, constitué de personnes souvent cultivées et d'un niveau social au-dessus de la moyenne. Il se retrouve en milieu rural, où les individus sont frustes et sans manière, mais aussi, ainsi qu'il le découvre ensuite avec étonnement, spontanés et liants. Et il s'adapte avec aisance à ce nouveau mode de vie, n'hésitant pas à participer aux tâches les plus ingrates.
Et puis le drame que subit Lucy l'amène à s'interroger sur la façon dont les femmes peuvent être considérées par les hommes sûrs de leur pouvoir et de leur force, et le ramène à son propre comportement qui, s'il n'a pas été aussi brutal, a du moins été égoïste et suffisant.
Malgré le peu d'attachement que j'ai éprouvé pour le personnage principal de "Disgrâce", j'ai bien aimé ce roman. En effet, John Maxwell Coetzee utilise l'histoire de ses héros pour aborder, avec justesse, une réflexion plus large sur les nouvelles relations noirs-blancs dans cette Afrique du Sud post apartheid, où la donne a changé. Il dépeint avec subtilité les tensions et les ressentiments sous-jacents qui parasitent ces relations, et faussent la communication entre les deux communautés. En confrontant un père et sa fille au désir de vengeance des noirs, il met en évidence le fait que les deux générations adoptent en réaction un comportement bien différent. Lucy feint d'ignorer la menace que représente son isolement qui la rend vulnérable, et qui fait d'elle une cible de choix pour les éventuels revanchards. Elle va même plus loin en considérant cette haine du blanc comme une conséquence logique des années de brimade et de mépris subis par les noirs, la considère comme inévitable, et se sent finalement presque coupable des agissements de ses aînés. Elle raisonne en quelque sorte comme si elle devait racheter leurs fautes... Quant à David, il semble avoir du mal à véritablement appréhender ce qu'implique l'évolution de ce pays qu'il ne reconnaît pas vraiment, et paraît désarmé par cette violence qu'il ne peut comprendre.
J'ai, pour conclure, trouvé ce roman intelligent. L'auteur mêle action et réflexion de façon équilibrée, et parvient mine de rien à nous attacher au sort de son héros, faute de nous faire l'aimer, ce qui après tout n'était probablement pas son but...
BOOK'ING
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[Disgrâce | J. M. Coetzee] |
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Auteur |
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Message |
Franz
Sexe: Inscrit le: 01 Déc 2006 Messages: 1996 Localisation: Nîmes
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Posté: Mar 05 Fév 2008 21:33
Sujet du message: [Disgrâce | J. M. Coetzee]
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Vingt-quatre chapitres intitulés de « Un » à « Vingt-quatre » s’égrènent comme un chapelet d’heures et déclinent la disgrâce (défaveur et chose disgracieuse emmêlées) qui touche un homme, sa fille et son pays, ici l’Afrique du Sud post apartheid. Sans trop savoir la formuler, le professeur de poésie romantique à l’université du Cap, David Lurie, quémande une grâce qui se dérobe sans cesse. A cinquante-deux ans, son charme s’est volatilisé et « s’il voulait une femme, il devait [maintenant] apprendre à lui courir après ; et souvent, d’une manière ou d’une autre, l’acheter ». Comme les déchus de la vie, il tente de s’accrocher à toutes faims « au banquet exquis des sens ». Sa liaison avec une de ses jeunes étudiantes, Mélanie Isaacs, va précipiter sa ruine. Dénoncé pour harcèlement sexuel et faute professionnelle, il endosse sa responsabilité sans jamais chercher la moindre excuse ou tenter une quelconque tentative de conciliation. Il quitte sa fonction, la ville et part rejoindre sa fille Lucy dans le bush africain. Le travail de sape et de mise à nu ne fait que commencer. La terre est ingrate, pelée, aride. Petrus est l’homme de main de Lucy mais il est libre et devient propriétaire des terres avoisinantes. L’irrigation de la ferme de Lucy permet la culture de fleurs vendues sur le marché local. Un chenil apporte un complément financier. Lucy vit seule en quasi autarcie comme une Boer pionnière. La violence survient, aussi soudaine que brutale. Lucy est violée. David est brûlé vif par trois Africains de passage. Sont-ils réellement passés par hasard ? Pourquoi Petrus était-il absent ce jour-là ? La scène, d’une réalité crue, est particulièrement pénible. Le père et la fille s’en sortent mais le fossé entre eux est désormais infranchissable. Lucy veut garder l’enfant qu’elle porte. David ne comprend plus rien. Tout lui échappe : « Pour la première fois il a un avant-goût de ce que se sera d’être un vieillard, fatigué, une carcasse fourbue, sans espoirs, sans désirs, indifférent à l’avenir… il sent son intérêt pour les choses de ce monde le quitter, goutte à goutte… A la fin il ne sera plus qu’un squelette de mouche pris dans une toile d’araignée, qui s’effritera si on le touche, plus léger que la paille d’un grain de riz… » La police et la loi ne semblent plus avoir aucune prise sur une société brisée, émiettée par des années d’apartheid. Progressivement, les terres sont reconquises par les paysans africains. Les Boers sont petit à petit mis au ban. Lucy s’accroche mais ses jours sur cette terre qu’elle aime sont irrémédiablement comptés. La chute du professeur Lurie semble se faire de concert avec son pays. Il est devenu vieux jeu. Ses valeurs liées au savoir et à la hiérarchie sont désormais caduques. Sa langue a perdu sa vitalité. Il ne lui reste plus qu’à faire l’amour avec Bev Shaw afin d’enterrer définitivement sa sexualité (c'est-à-dire étouffer tout désir) : « Il enlève son slip, se glisse à côté d’elle, lui passe les mains sur le corps. Elle n’a pratiquement pas de seins, ni de taille, comme un petit tonneau trapu. » « …il faut qu’il arrête de l’appeler la pauvre Bev Shaw. Si elle est pauvre, lui a fait faillite. »
Le style de Coetzee est fait de phrases courtes, sans fioriture, ciselées, sèches, cinglantes. Le récit est resserré autour de David Lurie, professeur leurré. Le lecteur vit au rythme de ses pensées. Il subit le désenchantement d’un homme confronté à la fin de son monde, de sa vie, de ses désirs. Le propos lucide d’un homme cultivé et d’une société, tous deux à la dérive, laissent entrevoir entre les jointures des phrases une noirceur abyssale. Au début du roman, le professeur Lurie donne un cours de poésie et dit : « Wordsworth parle des limites de la perception sensorielle… Comme les organes sensoriels atteignent leurs limites, leur lumière commence à faiblir. Pourtant, avant que d’expirer, cette lumière lance un dernier éclat, comme la flamme d’une chandelle et nous laisse apercevoir l’invisible… » Cette phrase superbe est une mise en abyme magistrale d’un roman sombre qui laisse le lecteur en état d’hébétude avec un goût de cendre dans la bouche.
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[Disgrâce | John Michael Coetzee] |
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