Je ne suis pas spectateur de télévision (ou si peu), j'ignorais la popularité et jusqu'au nom de Christophe Beaugrand. De nombreux lecteurs de ce livre ont dû s'en approcher par intérêt pour l'autobiographie du présentateur télé, pour son homosexualité, outre que pour sa parentalité obtenue grâce à la GPA éthique pratiquée aux États-Unis. En tout cas, l'auteur a dû concevoir son récit d'après cet a priori, en livrant moult détails sur sa vie depuis l'âge de 10 ans, sur sa famille, son mari, son travail, ses chiens, et enfin les péripéties de son recours à la GPA. Or, pour moi, ce n'était que ce dernier aspect qui importait, et j'avais en tête la précédente lecture du récit d'homoparentalité masculine par Marc-Olivier Fogiel (2018), lui aussi animateur et producteur de radio et télévision, lequel se concentre beaucoup plus spécifiquement sur la démarche de la paternité.
Il est toujours intéressant de prendre connaissance de plusieurs récits, de différentes expériences et points de vue ; on aurait espéré également que, entre 2018 et 2021, malgré le faible laps de temps mais compte tenu de la grande diffusion médiatique de la question de la GPA, ainsi que du nombre désormais non négligeable de cas avérés en France, surtout depuis et grâce aux relatives facilitations introduites par la circulaire Taubira de 2016, certaines évolutions significatives auraient pu être observées, dans les pratiques administratives comme dans les mœurs.
Le témoignage est là, touchant par moments, parfois informatif, mais rédigé dans un style d'une grande simplicité, presque dans le registre de l'oralité (avec tous ces points d'exclamation!), qui laisse peu d'espace à la réflexion.
Cit. :
1. « - Oui... c'est vraiment comme une appli de rencontres !
Une sorte de Meetic des ovocytes ! Et voyez-vous, comme dans un site de rencontres, il y a l'embarras du choix ! Tout type de physique, de style, de look. Nous qui n'imaginions trouver que des reines de beauté des universités américaines en mode pom-pom girl fiancée du beau capitaine de l'équipe de base-ball, on en est souvent loin ! Il s'agit d'avoir le feeling. Et pour elles aussi d'ailleurs, car, finalement, ce sont ces femmes qui ont le dernier mot !
Ce qui nous frappe ensuite, c'est l'incroyable jeunesse de toutes ces femmes. Une petite vingtaine. Quelques "vieilles" se cachent au détour d'une page : 29 ans, grand maximum. Bernadette nous apprendra alors qu'il faut impérativement des femmes extrêmement fertiles et que cela va avec la jeunesse. La plupart de nos amies trentenaires qui galèrent à tomber enceintes peuvent en attester. À partir d'un certain âge, tout cela devient beaucoup plus aléatoire. » (p. 125)
2. « [Bernadette :] "Après notre Skype avec Vanessa, elle m'a rappelée pour me dire à quel point elle vous avait appréciés et j'ai évoqué avec elle la partie assurance qui risque d'être coûteuse. Puis elle m'a renvoyé un email demandant une compensation financière plus importante que prévu et qu'elle discutait avec un autre couple. Elle semble vouloir faire jouer la concurrence. Bon, ce genre de chose arrive, continuons donc notre recherche [de donneuse d'ovocytes]."
Je repense alors à la mise en garde de Bernadette : "N'en dites pas trop sur vous, cela pourrait poser problème." Je comprends alors. J'ai dit à Vanessa que j'étais animateur télé ! Elle s'est peut-être dit que j'étais richissime et aurait voulu profiter de la situation ? Voilà aussi pourquoi il ne faut pas trop en dire. Mais quelle déception... nous l'avions trouvée chouette, cette Vanessa. » (p. 168)
3. « [Bernadette:] "Christophe et Ghislain, J'ai le regret de vous informer que compte tenu d'informations que nous ne connaissions pas et du retour de l'analyse du thérapeute qui a discuté avec Mashonna, nous devons mettre fin à la procédure. Il est important que nous garantissions aux parents d'intention une mère porteuse qui bénéficie d'un environnement sain et stable. Nous ne pouvons donc pas continuer avec Mashonna. Soyez assurés que nous n'avons pas pris cette décision à la légère. Nous travaillons pour vous présenter de nouveaux profils le plus vite possible."
Quoi ? Mais que se passe-t-il ? Nous qui avions commencé à nous projeter... quelle claque !
Et surtout quel ascenseur émotionnel. Décidément, cet étrange été continue de jouer avec nos nerfs. J'apprendrai un peu plus tard en discutant avec Bernadette que Mashonna avait menti sur son profil, et qu'elle avait été victime de plusieurs agressions sexuelles dans sa jeunesse. Un profil trop fragile pour être certain qu'elle vivrait cette expérience sereinement. Même s'il est évidemment rassurant de constater que tout est fait pour que les choses se passent bien, c'est une immense déception. » (pp. 173-174)
4. « Voici le premier mot doux envoyé à notre petit garçon. Nous sommes fin juin 2019.
"Coucou mon bébé, C'est Christophe, c'est ton papa.
Avec ton autre papa, Ghislain, on voulait te dire qu'on pensait très fort à toi.
On t'embrasse. On est loin, loin, loin de toi mais on a demandé à une dame très gentille de veiller sur toi. Elle s'appelle Whitney, on l'aime beaucoup.
Elle te fait grandir dans son ventre, mais ce n'est pas ta maman. Elle nous a aidés à devenir parents.
Et donc, papa Ghislain et papa Christophe, nous deux, on va s'occuper de toi. On voulait te dire qu'on t'aimait déjà très très fort. Et on est impatient que tu arrives dans nos vies.
On sera très vite près de toi. Et en attendant, on va t'envoyer des petits messages de temps en temps, que Whitney va te faire écouter.
On t'embrasse fort, on t'aime mon amour, on t'aime mon bébé." » (p. 222)
5. « Nous nous attelons donc à monter un dossier pour l'exequatur de jugement et là, j'ai un aveu à vous faire. Nous vivons désormais au 9, rue de la Guadeloupe, dans le 18e arrondissement de Paris. Enfin, officiellement... car en réalité nous n'avons pas déménagé. Nous nous sommes fait domicilier chez ma meilleure amie Sandra, la marraine de Valentin.
Notre avocat nous a expliqué la situation : à Paris, vous avez 100% de réussite sur les demandes d'exequatur. Dans les Hauts-de-Seine où nous vivons, c'est environ 50%. Si nous étions dans les Yvelines, ce serait refus systématique ! Il nous faudrait alors partir dans d'interminables procédures pour réussir à gagner l'état civil de notre propre enfant. Une certaine vision de la justice où les Français ne sont pas tous à égalité ! Tout dépend où vous vivez ! À Montpellier, c'est formidable... dans l'est de la France, c'est la galère ! À Paris, vous êtes tranquille, à Versailles c'est le chemin de croix. Comment comprendre de tels traitements différenciés ? Eh bien, tout dépend du président du tribunal et de ses convictions personnelles. » (p. 310)
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