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[Speed | Klaus Mann]
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Posté: Lun 09 Sep 2024 17:00
MessageSujet du message: [Speed | Klaus Mann]
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Cet ouvrage rassemble quinze nouvelles de Klaus Mann rédigées entre 1926 et 1943, d'abord en allemand, puis directement en anglais. La nouvelle éponyme, « Speed », la dixième, est la première écrite en anglais, jamais publiée dans cette langue, et l'auteur en était déçu, d'après l'entrée de son journal intime datée du 24 septembre 1940 : « Terminé la nouvelle _Speed_, ma première tentative narrative dans ma nouvelle langue. Pas satisfait. Le style "épique" semble incomparablement plus difficile à trouver que celui de l'analyse critique ou du reportage documentaire. » Quant à la première nouvelle, « Le cinquième enfant », il serait sans doute plus exact de la qualifier de roman court, et elle semble avoir trait à l'enfance de l'auteur, transformée profondément pour les besoins de la fiction, mais figurant les rapports du petit Klaus avec sa sœur Erika et leur mère au sein de leur nombreuse fratrie.
Si la plupart des nouvelles semblent avoir un rapport plus ou moins proche avec des épisodes biographiques de l'auteur, dans ses nombreux voyages et pérégrinations avant et durant l'émigration, si, comme le souligne la traductrice, ces nouvelles « sont peuplées de personnages troubles, excentriques, cruels – et hantés par la tragédie personnelle de leur auteur », le rattachement notamment entre le narrateur ou le personnage principal et l'auteur n'est pas du tout explicite. En vérité, les « Notices » relatives à chaque nouvelle contenues en fin d'ouvrage m'ont été très précieuses pour retrouver des ancrages biographiques et même seulement des données contextuelles sur les années 1930-1940, qui étaient ce que je recherchais principalement dans cette lecture. J'y ai appris en particulier l'importance de l'amitié qui liait Annemarie Schwarzenbach à Klaus et peut-être surtout à Erika Mann. Mais pour le reste, j'avoue que j'ai été un peu déçu.
En réalité, je pense que le genre de la nouvelle, plus encore que le roman peut-être, a énormément évolué au cours du dernier siècle, et d'ailleurs même de leur temps, ces nouvelles n'avaient aucune prétention à la modernité : au contraire, elles étaient extrêmement classiques, aussi bien dans la construction que dans les thèmes. Même Dostoïevski (me) paraît plus moderne... Le style, « limpide et raffiné », était aussi particulièrement pudique, les références à l'homosexualité (plutôt féminine), au monde de la pègre (cf. « Speed » et « Enquête »), aux drogues (cf. « Speed » et « Romance africaine »), même seulement à la prostitution (cf. « Le dernier cri » et « Le Moine ») étaient extrêmement euphémisées. Pour un lecteur « moderne », ce raffinement ressemble plutôt à de l'affectation désuète.
Naturellement, du point de vue de la littérature migrante, le passage entre les langues est très significatif, mais la traduction depuis les deux langues, par la même traductrice – Dominique Laure Miermont – efface définitivement toute possibilité de repérer d'éventuelles métamorphoses.



Cit. :


1. [« Dernière conversation », publié en 1934 dans la revue _Die Sammlung_ à Amsterdam] : « Elle aussi, tandis qu'elle caressait sa main, sentait surgir les souvenirs ; mais ils étaient dissimulés derrière un voile. Au plus profond d'elle-même, elle était déjà prête à échanger ce qui, autrefois, lui avait été plus précieux que tout, contre cette grande puissance obscure qu'elle reconnaissait maintenant être la seule à apporter une consolation. Son cœur, qui était devenu généreux et terriblement libre, renonçait déjà aux choses terrestres pour recevoir ce réconfort plein de grâce. Son cœur aspirait avidement à cet échange. Il n'avait encore rien oublié et conservait toute sa tendresse. Mais cette tendresse était déjà envahie par son irrésistible désir de mourir, elle en était complètement imprégnée et donc obscurcie. Cet amour passionné pour la mort ne durcissait pas son visage, il le transfigurait au contraire, et il incluait sa fidélité à l'époux et à l'ami. Elle ne l'oubliait pas, son ami – comment aurait-ce été possible ? –, mais ce qu'elle conservait pour lui de sentiment éternel n'était plus qu'une partie de ses nouvelles fiançailles. » (pp. 131-132)

2. [« Le dernier cri », écrit en anglais en 1940 et publié en 1941 dans le magazine _Esquire_ à New York] : « […] Depuis Aspasie jusqu'aux vamps aristocratiques de la Renaissance, de la Pompadour et de la Du Barry jusqu'aux grandioses demi-mondaines du XIXe siècle – mi-reprouvées, mi-reines : maltraitées et désirées par les hypocrites, ignorées et enviées par les bourgeoises, courtisées par les princes et exploitées par les souteneurs – vivant dans la splendeur, mourant dans la misère, et finalement immortalisées par Balzac et Heinrich Heine, Maupassant et Zola, Renoir et Toulouse-Lautrec. Et aujourd'hui ? À l'époque lugubre qui est la nôtre ? Bien sûr, il y a toujours des femmes de réputation douteuse – des femmes entretenues, des femmes fatales de tout acabit, des "mignonnes" prétentieuses, des aventurières cupides. Mais leur style et leur goût, leurs stratagèmes et leurs ambitions ont changé de façon déplorable. Maintenant, elles veulent faire carrière dans le cinéma ou dans les services secrets d'un État totalitaire. Tout cela est devenu plutôt professionnel et prosaïque : fini le romantisme.
[…] Un libertinage superficiel déprécie les rites traditionnels et les vices subtils et dispendieux : l'étrange morale de 1940 n'oppose aucune objection au bombardement des villes ouvertes, mais elle désapprouve fortement les raffinements sensuels susceptibles de ruiner les forces de la nation. Les riches préfèrent financer des partis politiques plutôt que des femmes qui coûtent cher ; les pauvres sont grisés par l'éloquence bruyante des dictateurs ; les tyrans deviennent ascétiques, les jeunes des assassins, et la baronne de La Motte-Tribolière passe ses journées dans une lugubre solitude – en songeant aux cruels changements qui affectent toute chose en ce monde... » (pp. 216-217)

3. [« Romance africaine », écrit en anglais en 1942, première publication en trad. allemande en 1990, dans le volume _Speed. Die Erzählungen aus dem Exil_, Hambourg] : « De tout ce qu'elle lui avait raconté concernant son passé et son travail, il ne croyait pas un mot. Elle disait qu'elle était née en Suisse, à Berne, ce qui signifiait sans doute qu'elle venait de Finlande ou d'Australie. Elle prétendait être mariée à un diplomate brésilien, mais Marcel pensait plus plausible qu'elle fût la veuve d'un général russe, ou la dixième femme d'un maharadjah, ou qu'elle fît partie d'une organisation d'amazones militantes dont l'objectif était de tuer les hommes au lieu de les épouser.
Que faisait-elle donc à Fez ? Quel absurde caprice ou quelle mission secrète la retenaient au Palace arabe déserté ? Elle prétendait être au Maroc en tant que correspondante des journaux suédois et portugais, mais elle ne lui avait jamais montré le moindre échantillon de son travail. La plupart du temps, elle était désœuvrée et paraissait s'ennuyer un peu – jusqu'au moment où, brusquement, elle avait beaucoup à faire, se précipitait au téléphone, recevait des télégrammes et entreprenait de mystérieuses expéditions dans le quartier français ou dans l'une des villes voisines. À de tels moments, Marcel avait tendance à la considérer comme une espionne – un agent secret au service de l'Allemagne nazie, de la Grande-Bretagne ou du cheikh de Tunisie. À d'autres occasions, il la soupçonnait d'être une aventurière très maligne entretenue par une petite armée d'amants fortunés dans diverses régions d'Afrique du Nord. Et il y avait aussi des moments où il pensait qu'elle était tout comme lui une sorte d'épave, une réfugiée parmi la foule de ceux qui venaient d'un pays ravagé par la guerre ; un être à la dérive comme on en voyait à longueur de journée. Il y en aviat des centaines, des milliers – à Lisbonne, à Zurich, à Casablanca : tous en proie aux mêmes angoisses et aux mêmes illusions ; dépensant leur dernier sou dans quelque lugubre pension de famille ou dans un somptueux Grand Hôtel ; se précipitant au consulat de l’Équateur, du Mexique ou des États-Unis ; télégraphiant leurs appels au secours à des amis de Milwaukee, de Melbourne ou de Montréal ; attendant des déclarations assermentées, des visas, des réservations pour un vol ou un bateau ; toujours en train d'attendre... » (pp. 262-263)

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