L'attente.
Un tueur à gages attend la venue de la cible qui n'apparaît toujours pas dans la lunette du fusil. Jimmy Caracas, l'assassin appointé, trouve le temps long et commence à se poser des questions. Son commanditaire le rassure mais l'idée d'un coup fourré fait son chemin.
En 1998, Matz au scénario et Luc Jacamon au dessin s'attellent avec brio à une nouvelle série qui sort des sentiers battus. Le premier cycle de cinq albums réuni en intégrale est une réussite même si le tome 1 pêche un peu avec le soliloque du tueur qui brasse des lieux communs avec l'ardeur du gars qui cherche à dédouaner sa mauvaise conscience en la noyant dans le maelström des turpitudes humaines. C'est pourtant dans le doute que Caracas touche vraiment. S'il n'était qu'une machine à tuer, il serait aussi inintéressant que son physique est passepartout. Le graphisme de Jacamon est étonnant. Le trait nerveux et anguleux frappe d'autant plus fort que les cadrages cinématographiques et la mise en page syncopent le rythme. 25 ans plus tard, Netflix confie la réalisation d'un film inspiré de la bande dessinée à David Fincher qui pourrait peut-être surprendre le spectateur en bien à travers la qualité de son travail quand il met le mal en images. Après visionnage, le film de Fincher s’avère décevant. Il irrite avec notamment le leitmotiv des mantras du tueur déversés d’entrée de jeu et son obsession à être professionnel, à opérer froidement, avec une maîtrise des émotions, une absence d’empathie jusqu’à ce que tout se grippe et rappelle l’assassin professionnel à ses affects quand le commanditaire s’en prend à lui et à ses proches. A déshumaniser son personnage, le cinéaste ne lui donne pas vraiment de consistance, éraflant les surfaces sans jamais pénétrer la psyché. Matérialiste, calculateur, technicien, dilapidateur, pollueur sans vergogne, le tueur est un parfait reflet du capitalisme mondialisé et il ne fait pas envie.
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