Un glaive en bois contre l’adversité.
Aldobrando, jeune disciple d’un sorcier, semble n’avoir quasiment rien retenu de l’enseignement dispensé mais le vieux mage a donné sa parole naguère au père qui savait sa fin proche. Il devait en faire un homme. Malgré ses doutes face aux capacités d’Aldobrando, il persévère et s’apprête à lui révéler un secret en touillant son chaudron mais un chat prévu dans la recette refuse d’être ébouillanté vif. Il lacère le visage du vieil homme qui somme son apprenti de lui rapporter de l’herbe de loup sinon il perdra la vue et peut-être la vie. Malgré sa méconnaissance du dehors, le jeune homme se lance dans le monde armé seulement d’un glaive en bois. Chichement vêtu, il doit s’abriter du froid mordant mais à peine abrité, il doit déjà rendre des comptes. Rien n’est gratuit dans ce bas-monde et il faut savoir défendre sa place et lutter pied à pied contre toutes les perfidies et les coups du sort.
Gipi, auteur et scénariste transalpin de bandes dessinées a conçu un conte initiatique dans une Italie médiévale de la plus belle eau. Il reprend les ingrédients classiques du conte mais en change les valeurs. Le chevalier au grand cœur est un freluquet inexpérimenté, désargenté, ingénu. Le roi est écrasé par sa charge pondérale et la trahison de la princesse qui est elle-même orpheline. Les épreuves pour atteindre l’amour sont multiples, tragiques, fatales sans aide extérieure. Aldobrando, dans sa naïveté non feinte, sait toucher le cœur des brutes endurcies en les mettant face à leurs contradictions. Il n’hésite pas à descendre dans la terrible fosse alors que ses chances de survie sont nulles. En prenant le contrepied du conte, Gipi apporte de la crédibilité à son histoire. Malgré l’humour, la mort rôde. Les sentiments font mal et la fin n’est pas enchanteresse pour tout le monde. Luigi Critone surprend sans cesse par son graphisme expressif, léger, parfois bringuebalant mais toujours maîtrisé, l’excellence de ses cadrages et la maîtrise de la perspective. La mise en couleur est une totale réussite, apportant matière aux ambiances sombres des prisons et des égouts, lumineuses dans la nature. Narrée à hauteur d’homme, l’histoire est prenante tout le long des deux cents pages.
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