[Djemnah : les ombres corses | Philippe Donadille ; Patrice Réglat-Vizzavona]

Portraits croisés.
Ange Pizarti n’a jamais mis les pieds sur l’île de beauté alors que sa famille en est issue mais ses parents semblent avoir tourné le dos au berceau familial. Jamais Ange Pizarti, vivant à Paris et collectionnant les livres anciens ne s’est penché sur ses origines corses jusqu’à ce qu’un portrait d’une jeune femme daté de 1918 accompagné d’une mention manuscrite, glissé dans une vieille revue qu’il vient d’acquérir pour un ami, ne l’intrigue jusqu’à en rêver et le décider à embarquer pour la Corse. Habitué à fouiner, à relever des indices et à faire des déductions pertinentes, il se rend compte qu’un secret et un trésor se dissimulent dans le village d’Ogliastro, au Cap Corse mais Pizarti est manipulé par un trio de villageois qui cherche à lui tirer les vers du nez dont la belle et envoutante Casilda.
Bâti sur deux saisons en Corse, l’été et l’hiver, le récit est équilibré et distille un charme que la transparence de l’aquarelle attise. Le dessinateur est suffisamment précis avec ses pinceaux pour magnifier la nature et les corps. Les flashbacks en sépia au début du XXe siècle et les évocations historiques entre Paoli et Bonaparte plus d’un siècle auparavant traitées sur le mode de la gravure ont un réel pouvoir évocateur, la réalité s’estompant, s’édulcorant à mesure de la remontée dans le passé. Le portrait de la jeune femme rappelle les héroïnes d’André Juillard, éthérées, romantiques et troublantes. Casilda est l’incarnation de la vie et de la beauté, de l’intelligence et de l’indépendance aussi. Ange Pizarti découvre ses origines, renoue les liens familiaux, s’attache à la Corse, son histoire et l’intensité de sa présence. Il ne donne pas uniquement de la profondeur au paysage. Il l’endosse comme un vêtement sans accroc et sans couture, une seconde peau qui l’habite, reléguant sa solitude, l’ouvrant enfin au monde.

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