Le portier des ténèbres.
Face à l’innommable, l’enseignant-chercheur montpelliérain en sociologie des médias Michel Moatti pèse ses mots pour tracer la trajectoire de Nordhal Lelandais, pédocriminel ainsi que le chemin de croix de Maëlys et de sa famille. Si le meurtre du jeune chasseur alpin Arthur Noyer par Lelandais est évoqué, « L’affaire Maëlys » constitue le cœur de l’exofiction. La biographie ainsi romancée tente d’éclairer des zones floues et secrètes, non documentées, par rapprochement, supposition et empathie. L’auteur a pris le parti de la famille De Araujo, anéantie et marquée à vie par la perte et la culpabilité. Jennifer, mère digne et déchirée, préface l’ouvrage. Narcissique, égoïste, manipulateur et violent, Nordhal Lelandais séduit, abuse et jette tout ce qu’il consomme, en toute amoralité. Si un modus operandi se dessine, le spectre des jouissances est large et l’assassin a toujours su « sortir des radars » sauf, étrangement, lors de la disparition de Maëlys, le dimanche 27 août 2017, vers trois heures du matin, de la salle des fêtes de la commune iséroise du Pont-de-Beauvoisin. Lelandais ose l’impensable. Invité à l’arrache d’un mariage qui lui est étranger, il repère très vite sa proie et il lance immédiatement ses filets afin de la piéger. Tout est étudié et pesé pour extraire la fillette de huit ans de son plein gré, sans heurt et sans bruit le moment venu. Le leurre n’est pas une boîte de cachous mais des chiens malinois. Pourtant, Nordahl Lelandais s’expose et devient suspect. Disposant de ressources mentales exceptionnelles, il a réponse à tout et ne dévie jamais de sa ligne de défense, adaptable au gré des découvertes médico-légales (infime trace de sang sous le tapis de coffre de sa berline) ou technologiques (bornage téléphonique et vidéosurveillance). Patibulaire et pathétique, froid et indéchiffrable, il suscite haine et fascination. En effeuillant son passé proche, des faits hideux surgissent. Lelandais, soupçonné d’être un tueur en série, devient l’objet d’une étude poussée concernant des disparitions inexpliquées dans son périmètre de prédation avec la création de la cellule Ariane. Malgré le mutisme de l’inculpé et la veille scrupuleuse de ses avocats, le « Rapport sur Nordhal L. », dense et documenté, paraît quatre ans après sa première mouture en 2018, menacée alors d’interdiction judiciaire. Le livre ne saurait être lu le soir car son contenu hante les rêves et développe des situations oniriques cauchemardesques. Toute proportion gardée, la disparition de Maëlys est aussi la nôtre, d’une façon ou d’une autre. Figure du mal, Nordhal Lelandais a ouvert la porte de l’enfer.
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