A mains nues.
André Imberechts escalade William Cliff à mains nues depuis longtemps déjà. Son pseudonyme a été choisi pour ne pas froisser la famille belge Imberechts quand il s’est fait éditer, William en souvenir d’un amant et Cliff pour les sonorités anglo-saxonnes et la vie comme une falaise à grimper, abrupte dans la montée, mutilante et mortelle dans la chute. Le poète belge d’expression française se donne à voir sans fard. Sa vie est le matériau de sa poésie. Il y puise sans relâche et, avec l’apparente facilité d’une langue parlée, il s’empoigne avec la rugueuse réalité et dévide l’écheveau de ses turpitudes. La clarté de sa langue rehausse les profondeurs de son âme. Les mots roulent, se frottent, éclaboussent d’étincelles. Le poète a le rythme chevillé au verbe et la métaphore conclusive a la force d’un uppercut baudelairien. Métrique impeccable, rime aléatoire, la poésie contemporaine de William Cliff charrie en filigrane d’or toute la poésie des siècles passés. Les ballades de François Villon s’y répercutent en écho.
L’anthologie proposée par Gérard Purnelle, professeur versé dans la poésie francophone, est une mine d’or accessible à un coût modique. Pour 10 €, le lecteur peut balayer quarante années de la production poétique de William Cliff et il n’y a rien à jeter du recueil. Tout sonne juste, dès le début. L’hébétude d’être vivant, étreint par la solitude, hanté par la finitude, terrassé par l’immensité du temps et la conscience aiguë que le paradis est sur terre, là et maintenant, depuis toujours, à saisir en adhérant au réel, tout cela donne corps à une poésie incarnée et bouleversante : « la stupeur d’être en vie sur la terre/ Et ne pouvoir finir d’en faire l’inventaire ».
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