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[Autobiographie | Angela Davis]
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apo



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Posté: Sam 07 Aoû 2021 20:28
MessageSujet du message: [Autobiographie | Angela Davis]
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Publiée dans la première moitié des années 1970, lorsque Angela Davis avait à peine 30 ans, cette Autobiographie est en réalité axée autour de sa cavale, de son incarcération préventive et de son procès – accusée de meurtre, de kidnapping et de conspiration – suite à une révolte carcérale survenue le 7 août 1970, alors que, encore libre, elle était activement impliquée dans un mouvement politique visant à obtenir la libération d'autres prisonniers politiques noirs que les révoltés, détenus dans une autre prison nommée Soledad. Il en découle, par-delà les péripéties judiciaires de l'auteure, un cadre assez précis du racisme systémique états-unien des années 60, caractérisé par l'usage absolument arbitraire de la violence par les forces répressives d'État (police, justice, prison) contre ce qui est appelé le « peuple » noir, y compris l'abus éhonté du recours à l'incarcération et la discrimination raciste dans le judiciaire à tous les niveaux, sur fond de la persistance du sexisme et d'un anticommunisme maccarthyste primaire, ainsi que de la possession généralisée des armes à feu et explosifs. Mais on bénéficie aussi d'une description approfondie des méthodes de conscientisation, de mobilisation et de lutte collective, à partir des campus et des réseaux antiracistes et/ou communistes, grâce à tous les instruments de pression imaginables, que l'auteure ainsi que ses comités de soutien ont pu mettre en œuvre à l'époque, au niveau national et même international. En somme, la lecture de cet ouvrage m'a fait penser par moments à la célèbre autobiographie de Nelson Mandela, par moments à celle non moins connue de Trotski...

L'ouvrage, qui ne s'illustre pas par sa concision, s'articule en six parties auxquelles s'ajoute, dans la présente édition, une très précieuse Postface qui consiste en un « Entretien avec Angela Davis » par Gilles Martin et Daniel Zamora daté de 2013, dans lequel, avec une lucidité et une capacité d'analyse de l'actualité tout à fait remarquables, l'auteure âgée alors de presque 70 ans traite de l'ensemble de l'engagement politique depuis 1974, aux États-Unis et ailleurs, et de l'évolution des mouvements de lutte progressistes (antiracistes, antisexistes, anticapitalistes, environnementaux, par ex. :« Occupy », etc.) à l'époque de la disparition du bloc communiste et de l'hégémonie de l'idéologie néolibérale.
La première partie, « Les Filets », d'août à décembre 1970, narre de façon haletante sa cavale et son arrestation. La deuxième partie, « Les Rochers », retrace l'influence du racisme dans l'Alabama de son enfance. La troisième partie, « Les Eaux » entre septembre 1961 et septembre 1963, se concentre sur les études et le cursus universitaire de l'auteure, que l'éveil de sa conscience émancipée conduit en Europe – France, Finlande, Allemagne –, études d'abord en littérature française (influences de Sartre, de Jean Genet et des poètes du XIXe siècle), puis dans un doctorat en philosophie sous la direction de Herbert Marcuse (en contact avec les professeurs de l’École de Francfort). La quatrième partie, « Les Flammes », entre avril 1968 et le 7 août 1970, montre la genèse de l'engagement militant d'Angela Davis, notamment dans la cause du soutien aux détenus politiques noirs, tout en commençant à exercer une activité professionnelle d'enseignement universitaire constamment menacée par son identité de femme noire se déclarant ouvertement communiste. La cinquième partie, « Les Murs », du 22 décembre 1970 (le lendemain de son arrestation) au 25 février 1971, décrit avec minutie les détails de son expérience carcérale. Enfin la sixième partie, « Les Ponts », du 28 février au 4 juin, relate tout aussi minutieusement le déroulement de son procès, dont l'issue est incertaine – entre peine de mort et acquittement – jusqu'au dernier instant.


Cit. :


1. « D'un côté, elle [l'école] tendait nettement à affirmer notre identité de peuple noir dans toutes ses activités. Mais d'un autre, la plupart des professeurs se contentaient de nous inculquer une conception officielle et raciste de notre misère. Et ils stimulaient les tentatives individuelles et compétitives de s'en sortir. On nous disait que l'unique but de notre éducation était de nous armer de talents et de savoir, afin que nous puissions, séparément et individuellement, nous élever au-dessus de la mêlée, et sortir du fumier et du limon de la pauvreté "par nos propres moyens". Cet enfant deviendrait médecin, cet autre avocat. Il y aurait des professeurs, des ingénieurs, des entrepreneurs, des comptables, des hommes d'affaires et, si nous luttions avec une particulière âpreté, nous pouvions même prétendre à la réussite d'A.G. Gaston, notre millionnaire noir local. » (p. 112)

2. « Dès le début j'insistai pour que le livre ne tourne pas uniquement autour de mon cas, mais parle aussi des autres prisonniers politiques : George, John, Fleeta, Ruchell, ainsi que de toutes les sœurs et de tous les frères incarcérés dans le pays. Un des thèmes centraux du livre était la réévaluation nécessaire de la définition traditionnelle de "prisonnier politique", pour répondre au racisme qui s'intensifiait. À côté du nombre croissant d'hommes et de femmes qui se trouvaient incarcérés à cause de leurs idées et de leurs activités politiques, il y en avait des milliers d'autres qui avaient été pris au piège, ou qui avaient reçu une peine disproportionnée pour la seule raison qu'ils étaient noirs ou bruns. Le livre devait élever la voix, non seulement pour les prisonniers politiques au sens strict du terme, mais aussi pour ceux qui étaient victimes, d'une manière ou d'une autre, du racisme de l'appareil judiciaire (police, tribunaux, prisons). » (p. 345)

3. [extrait de la postface, 2013] : « Les discours sur le multiculturalisme et la diversité ont, la plupart du temps, adopté une logique assimilationniste qui cherche à modifier la race et le genre de certains acteurs dans de grandes institutions, à teinter ces institutions d'un peu de couleur, mais sans toucher aux structures qui les sous-tendent et qui profitent du racisme et du sexisme. Le féminisme assimilationniste n'a rien de nouveau – il y a un tas de versions du féminisme qui s'accommodent très bien du racisme et de l'exploitation de classe aux XIXe, XXe et XXIe siècles. Les féminismes hégémoniques – et entre parenthèses, ce terme est utilisé au moins depuis l'émergence d'un féminisme radical porté par les femmes de couleur – adoptent une logique qui rappelle la conception selon laquelle l'obtention des droits civiques serait la victoire ultime sur le racisme. » (p. 452)

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