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[Signes d'identité | David Le Breton]
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apo



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Posté: Sam 05 Oct 2019 18:36
MessageSujet du message: [Signes d'identité | David Le Breton]
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Voici, sur le thème des marques corporelles dans l'Occident contemporain, une étude sociologique assez classique, comportant cependant suffisamment d'idées originales et inattendues pour ne pas être conventionnelle ni scolaire. Comme son titre l'indique, l'angle d'analyse consiste dans le postulat que la modification volontaire du corps est un processus relevant de la construction, par l'individu, d'une identité, choisie en vue d'être affirmée au regard d'autrui.

L'introduction, « Le corps inachevé », ainsi que le ch. 1, « La fabrique de l'identité », dans leur manière de poser les notions, font preuve d'une approche plutôt philosophique.
Les deux chapitres suivant, par contre, sont caractérisés par une démarche historique. En particulier le ch. 2 : « Les marques corporelles […] : histoire d'un malentendu », montre que, depuis l'interdit des modifications du corps qui rassemble les monothéismes, jusqu'au-delà de la Seconde Guerre mondiale, les tatouages ont été soit des marques d'infamie soit des stigmates associés à des catégories socio-professionnelles reléguées : marins, soldats, prostituées, détenus, internés... Spécifiquement, les fameuses études criminologiques d'un Lombroso se sont délectées du « type » quasi biologique du/de la tatoué.e... Le ch. 3, de façon pour moi très originale, s'attarde sur les quelques dernières décennies du XXe s. où les tatouages ont marqué des formes de dissidence liées aux mouvements hippy d'abord, puis punk, non sans relation avec deux autres univers artistiques : les arts graphiques avec les tags muraux et la musique avec les « looks » rattachés au rock, au heavy metal à la techno etc. : le ch. se termine par un premier aperçu de la mouvance des Modern Primitives. Ces deux chapitres tendent donc à insister sur le côté discriminant et stigmatisant des modifications corporelles de jadis, qui, et c'est là un point fort de la démonstration de l'auteur, les opposent résolument à celles d'aujourd'hui.
Le ch. 4, « L'identité à fleur de peau », est à la fois le plus long et le plus purement sociologique. Tous les moments et les implications des pratiques du tatouage, du piercing, des scarifications, etc. dans nos sociétés contemporaines sont analysés séparément, avec une profusion de citations tirées d'un corpus d'entretiens. Bien que certaines répétitions apparaissent, la proportion entre matériau brut et son interprétation m'a paru équilibrée. Le ch. 5, « Événement ou avènement : la question des rites de passage » m'a semblé être un approfondissement d'un aspect spécifique du précédent : le traitement sociologique de la question des motivations est identique au ch. 4. Si l'évocation du terme de « rite de passage » aurait pu faire penser à une argumentation anthropologique ou au moins à une comparaison avec les sociétés traditionnelles où la notion a toute sa pertinence, ici, précisément, l'auteur s'empresse de nier que le tatouage occidental contemporain, en dépit de ses prétentions, soit un rite de passage : éventuellement un « rite personnel » de « prise de possession de soi » ; de ce fait, il s'exonère de tout exposé anthropologique ou comparatiste.
Le ch. 6, « Une culture naissante », renverse la perspective, des tatoués aux tatoueurs. Il traite, un peu rapidement, les questions relatives à l'évolution récente de la profession, y compris le profil sociologique de ceux qui l'exercent. Enfin le ch. 7, « Les marques corporelles et le nouveau débat du "primitivisme" » en revenant sur les Modern Primitives, concède un peu aux côtés philosophique et anthropologique appliqués à « l'engouement occidental pour les marques "tribales" », dans un discours très opportunément sans concession pour ce qui apparaît être ni plus ni moins qu'une forme de néocolonialisme qui va de pair, hélas, avec l'éradication des significations traditionnelles de simulacres devenus creux : en somme le sous-produit de ce qui eût pu être une hybridation des cultures...
Ce chapitre véhément m'a plu pour plusieurs raisons : on y trouve une plus grande distanciation du chercheur par rapport à son objet de recherche que dans d'autres chapitres – en particulier le 4 - ; un minimum d'anthropologie émerge enfin, même si elle n'est utilisée que « en négatif » (c-à-d. pour infirmer) ; les thèmes post- et néo-coloniaux me tiennent à cœur dans toutes leurs implications.

Mon envie est renforcée de lire d'autres essais de Le Breton, qui, s'il se cite plusieurs fois (trop souvent, certains diront...), semble avoir créé un tracé original pour relier des thèmes assez différents : la marche, le corps, le silence, les conduites à risque des jeunes, le rapport entre douleur et souffrance, le visage...


Cit. :

« Le questionnement autour du corps était cohérent, inévitable sans doute à ce moment où l'individualisme occidental connaissait une autre étape de son développement. Le corps, e tant qu'il incarne l'homme, est en effet la marque de l'individu, sa frontière, la butée en quelque sorte qui le distingue des autres. Il est donc le lieu de la séparation et non celui de l'alliance comme dans nombre de sociétés traditionnelles où il relie l'homme aux autres, au monde, au cosmos, à l'univers invisible. À l'inverse, dans les sociétés occidentales, depuis la Renaissance, le corps implique que l'homme soit séparé des autres (le corps comme lieu de démarcation de l'individu), de la nature (la nature est autre que l'homme, elle n'est plus cosmos mais simple environnement), et coupé de lui-même (le dualisme entre l'âme ou l'esprit et le corps, ou aujourd'hui entre l'homme d'une part et son corps de l'autre). » (pp. 16-17)

« Même si le tatouage et le piercing sont aujourd'hui relativement bien intégrés dans la société, nombre de gens aiment entretenir la légende maudite du rejet et du mépris dans un discours d'autant plus désespéré qu'il est souvent en contradiction radicale avec les faits. […] Mais une sorte de nostalgie inconsciente se fait parfois jour pour cette histoire ancienne qui associait tatouage et marginalité. » (p. 79)

« Les sociétés occidentales sont caricaturées sous les auspices du négatif, même si, paradoxalement, les "modern primitives" s'y épanouissent et ne témoignent d'aucune intention de les quitter. En contrepoint, les sociétés de la tradition, dans leur infinie complexité et diversité, sont stéréotypées sous la forme du "primitivisme" et du "tribalisme" muées en refuges, en ressources à utiliser pour conjurer nos insuffisances. Une mythologie évolutionniste renaît de ses cendres, mais au détriment cette fois du monde occidental. Transformées en fictions idéalisées comme "premières", ces sociétés des "origines" seraient, bien entendu, plus proches de la "nature", plus "authentiques", et donc révérées comme modèle à opposer à une insupportable modernité. On retrouve sous une forme contemporaine un épisode inédit de la longue postérité du thème du "bon sauvage" […] En outre, le lien symbolique est aisément fait entre ces sociétés "primitives" et les marques corporelles des populations "marginales". » (pp. 198-199)

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Swann




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Posté: Sam 05 Oct 2019 18:41
MessageSujet du message:
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Il n'est donc question que des modifications de la peau ? pas celle des cheveux et de la pilosité ?
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Auteur    Message
apo



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Posté: Sam 05 Oct 2019 19:32
MessageSujet du message:
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Peau uniquement.
Bonne fin de weekend.
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