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[Le mythe de la virilité : Un piège pour les deux sexes ...]
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apo



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Posté: Ven 09 Aoû 2019 14:35
MessageSujet du message: [Le mythe de la virilité : Un piège pour les deux sexes ...]
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[Le mythe de la virilité : Un piège pour les deux sexes | Olivia Gazalé]

Ce volume traite des discriminations de gendre conçues comme le résultat d'une idéologie historiquement construite, le virilisme, qui se différencie de ce que nous avons coutume d'appeler le « patriarcat » par un moindre déterminisme et par la présence, tout au long de l'Histoire, d'une dialectique entre soi-même et d'autres modèles d'identité masculine antagonistes, laquelle a produit des systèmes de domination différents et d'inégale férocité. Le virilisme ainsi identifié opprime les femmes tout en constituant aussi un piège pour la majorité des hommes, car il institue un système hiérarchique fondé sur la dichotomie : puissance/impuissance. Le XXe et XXIe siècles sont en train de déconstruire enfin ce mythe, non pas ou pas principalement par les féminismes, mais par une « crise de civilisation » qui, dans ce contexte particulier, est appelée de ses vœux par l'auteure qui, dans la conclusion, prévoit et invoque une réinvention des « masculinités ».
Au cours de la lecture, j'ai d'abord craint qu'elle soit trop « légère » : l'hypothèse du « matriarcat primitif » pré-indo-européen - pourtant aujourd'hui réfutée par la majorité des spécialistes (de même que par Gazalé, d'un revers de main, sans explication) constitue le début de l'ouvrage, dans une première partie : « Au commencement était le féminin » qui, du coup, ne semble pas très justifiée, sinon pour faire ressentir l'aspect historique du « système viriarcal », connu toutefois de tout historien matérialiste ayant lu ou pris connaissance de Engels... La deuxième partie, « La virilisation du monde », examine le « viriarcat » selon six axes (cf. cit. infra) dont les deux premiers - « la parenté confisquée » et « l'appropriation des femmes » - ne me convainquent pas ; je suis persuadé dans ces sujets par l'explication socio-biologique sur les conséquences de l'asymétrie de l'investissement parental entre les sexes. Mais là – à la p. 70 donc – s'arrêtent mes réticences et dorénavant mon adhésion et mon enthousiasme lectoral vont croissant.
La troisième partie s'intitule : « L'essentialisation de la femme : la trinité vierge-mère-pute » ; beaucoup d'arguments sont assez classiques et donc connus et acceptés, hormis deux dans lesquels je me suis retrouvé entièrement avec l'auteure : celui sur le refus de l'interdiction du voile des musulmanes et du burkini (dans le ch. « La pudeur et le voile », v. p. 158-159), ce celui sur le « traitement politique » de la question de la prostitution (dans le ch. « La putain ou le "mal nécessaire" » v. p. 193).
Suivent les trois parties du livre d'où j'ai appris le plus : celles qui traitent des conséquences néfastes du virilisme sur les hommes. La quatrième partie, « La construction du mythe viril », toujours historique, prend comme point de départ l'Antiquité grecque et avance jusqu'aux fascismes. La cinquième partie, « Puissance et impuissance », s'articule elle aussi sur six axes relatifs à la sexualité masculine indiqués par autant de verbes à l'infinitif : « Prouver, dresser, entrer, mouiller, fanfaronner, sublimer ». La sixième partie, « La déconstruction du monde viril », en partant du « spectre de la dévirilisation », retrace, tantôt historiquement, tantôt dans le présent, les effets de la montée en puissance de modèles alternatifs au virilisme, notamment dans la sphère de la paternité, par l'influence des féminismes, et ensuite des modifications sociologiques du champ du travail et de la guerre.
La conclusion, je l'ai évoquée, est un hymne optimiste qui n'envisage même pas l'éventualité de la régression qui pourtant pourrait être invoquée sur plusieurs domaines, comme l'IVG, peut-être les violences domestiques, la résurgence d'insultes homophobes « décomplexées » peut-être par telle ou telle autre « manif pour tous »... Il se peut que, eu égard à l'ampleur des durées prises en compte par la philosophe, elle ne se soucie de ces « minima » et confie dans des tendances à plus long terme...
De toute manière, ce livre a une telle envergure qu'il ressemble davantage à une étude générale, un état des lieux des connaissances en matière de virilisme qu'à un essai ponctuel ou à une monographie. Sa prose très lisible et ses notes bibliographiques – suffisantes sans être surabondantes – en font la lecture idéale, par exemple, pour des étudiants ou comme ouvrage de référence.



Cit. :

« Le modèle normatif de la virilité n'oppose pas seulement l'homme à la femme, ni même l'homme viril à l'homme efféminé, mais aussi le maître à l'esclave, ou au "sous-homme", cette fois sous l'angle sociologique, racial ou religieux, la supériorité des uns ayant nécessairement besoin de l'infériorité des autres, qu'il soit "mécréant", juif, arabe, noir ou domestique. La comparaison hiérarchisante avec l'Autre est donc centrale dans la construction de la virilité. Être un homme, c'est dominer. Pas de suprématie sans un inférieur à mépriser, voire à humilier. » (p. 23)

« Je propose donc de distinguer six grands axes, lesquels ont en commun de poser la hiérarchie des sexes à la fois comme postulat de départ et comme fin à poursuivre. Il s'agit des dispositifs par lesquels s'est opérée, conceptuellement et empiriquement, la minoration historique de la femme. […]
1) la confiscation de la parenté ; 2) l'appropriation des femmes ; 3) la diabolisation du sexe féminin ; 4) la justification de la violence par la culpabilité féminine ; 5) la légitimation de l'exclusion par l'infériorité féminine ; 6) le partage de l'espace et la division sexuelle du travail. » (p. 52)

« Si naître femme constitue, à bien des égards, un handicap, devenir homme est beaucoup plus difficile que devenir femme. Car la fillette est naturellement femme, puisqu'elle a le même sexe que sa mère, tandis que le garçonnet doit devenir un homme en se différenciant d'elle par un long processus d'intériorisation des codes masculins.
D'ailleurs, les expressions "Sois un homme !" ou "Agis en homme !" n'ont pas d'équivalent féminin, sauf à leur adjoindre un qualificatif. "Comporte-toi en femme" n'a de sens que si l'on ajoute "respectable", "honnête", "vertueuse", "féminine" ou encore "du monde". Mais personne ne songe à prescrire à une fillette d'être simplement une femme. » (p. 200)

« Qui donc est le plus viril, le plus glorieux, du prêtre ou du guerrier ? Celui qui triomphe au lit et sur le champ de bataille ou celui qui, sans armes, sacrifie sa vie érotique pour le salut de l'humanité ?
Si cette question demeure indécidable, c'est qu'elle est révélatrice des interrogations, des incertitudes et des doutes qui, depuis les origines, traversent le modèle viril, sans cesse menacé de fragmentation par l'émergence de contre-modèles. L'idéal viril a beau être ardemment revendiqué, il n'en est pas moins un idéal instable, soumis à de permanentes évolutions. » (p. 312)

« Il s'agit […] de repérer trois grands moments du féminisme – le politique, le sexuel et le postsexuel – et les trois moments d'antiféminisme qui les ont accompagnés. Ces trois moments s'articulent autour de trois lieux (topoï) : le logos, l'éros et le cosmos.
Le féminisme sera, successivement, un processus politique, sexuel et philosophique, qui nourrira, ou ravivera, en l'homme, une triple peur : celle du renversement de la domination masculine, celle de l'impuissance sexuelle et celle de la fin du monde. Terreurs, au demeurant, souvent partagées aujourd'hui par les femmes elles-mêmes. » (p. 348)

Excipit : « L'investissement masculin de la sphère privée, l'expression de la sensibilité et de l'émotion […], la réinvention de la paternité, et toutes les mutations déjà opérées par les hommes progressistes ne constituent pas un "déclin", comme le pensent les masculinistes, mais une chance pour l'humanité, peut-être sa plus grande chance : celle d'annoncer, non pas la désolante"fin des hommes", mais l'enthousiasmante naissance de nouvelles masculinités, condition indispensable d'un meilleur équilibre des relations entre les deux sexes. » (p. 413)

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