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[Ces murs qui nous écoutent | Spôjmaï Zariâb]
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apo



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Posté: Sam 15 Déc 2018 17:23
MessageSujet du message: [Ces murs qui nous écoutent | Spôjmaï Zariâb]
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Ce petit livre contient trois nouvelles de l'auteure afghane Spôjmaï Zariâb, reproduits dans le texte persan en fin d'ouvrage, ainsi qu'une très instructive et agréable postface par Michael Barry qui illustre à la fois la biographie de la nouvelliste, dans l'extraordinaire contexte historique et scolaire-universitaire des années 70 où elle a eu la chance de se former, et un bref aperçu de la littérature afghane d'expression persane depuis le Moyen Âge.
Les trois nouvelles expriment, de manières complémentaires, le même sentiment de suffocation. « La carte d'identité », le fait par le réalisme, en peignant la claustration d'un jeune homme, par sa mère qui tente de le protéger ainsi de la guerre ; « À la chasse aux anges », le fait par une subtile antithèse, en campant dans un intérieur idyllique le personnage d'une mère et sa petite fille émerveillée par la chute de flocons de neige, pour laisser filtrer en catimini l'angoisse (définitive et irréversible) provoquée par la transmission trans-générationnelle d'un récit religieux apparemment anodin ; « Ces murs qui nous écoutent », le fait par le symbolisme : cette nouvelle bâtie sur un double récit – celui de la narratrice et celui du collègue – fait référence presque explicitement aux univers kafkaïen et anti-utopiques (Ray Bradbury, Orwell...).
Par une expression très succincte, fortement poétique (certaines images sont répétées à l'identique à plusieurs reprises à différents moments du récit), une violence inouïe se dégage contre une oppression multiforme et étouffante qui parvient à ne jamais mentionner l'occupation soviétique ni les talibans ni même seulement la misogynie.


Cit. :

« Elle ne peut terminer. Elle achève de moins en moins ce qu'elle veut dire, la mère. Encore une phrase qui, comme tant d'autres, restera inachevée. À chaque fois qu'elle aborde pareil sujet, c'est comme si les mots se brouillaient à l'intérieur d'elle-même ; ils se bousculent sur le seuil de sa bouche ; ils semblent former une sorte de corps consistant qui lui reste en travers de la gorge comme une bouffée de haine. Les mots ensuite se condensent en pleurs et de ses yeux déferlent des torrents de larmes qui vont se perdre dans les plis de son voile. » (p. 12)

« J'ai remis lentement, discrètement, le livre dans ma poche et je me suis dit, toute fière, que je venais de dérober quelque chose au Grand personnage. Notre collègue m'a fait un signe de la tête. Ça m'a décontenancée. Ma main s'est mise à trembler ; je l'ai posée sur la bosse qui saillait de ma poche pour la dissimuler aux regards des portraits. Je les sentais pleins de haine ; je voyais bien qu'ils essayaient de s'échapper de leurs cadres pour se ruer sur mon livre. » (pp. 35-36)

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