Et si la mûre s’est essaimée ?
Alors que Sandrine semble comblée, l’apparition de Michel, livreur de macédoine à domicile, la bouleverse au point de remettre immédiatement en question sa vie sentimentale et son foyer.
S’inspirant des poses hiératiques des personnages stéréotypés et de la prose cul-cul du roman-photo, Fabcaro s’amuse à parodier la guimauve sentimentale véhiculée après-guerre par l’idéologie américaine. Enfonçant les lieux communs avec le bélier de l’ironie, l’auteur entraîne ses protagonistes dans le ridicule et la loufoquerie, les amenant progressivement au bord du vide de leurs existences. La dernière planche avec le mot « fin » accolé est constituée de trois images presque identiques mais les sourires se figent et les visages s’effacent. Le texte d’accompagnement ne laisse aucun doute : « Tout aura été vain et dérisoire ». Malgré ce pied de nez final répondant à la première planche et bouclant magistralement l’ensemble, la bédé est constamment amusante, riche, surprenante, Fabcaro semblant inventer son histoire à mesure qu’elle est jetée sur le papier. Elle n’en paraît que plus vive, frétillante sous le carcan d’un genre codifié à l’extrême. Il était juste que le roman-photo, après s’être largement inspiré du procédé narratif de la bande dessinée, soit croqué par elle, détourné, moqué et finalement revigoré.
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