Dans son essai sur les Combarelles, grotte périgourdine ornée de plus de 600 gravures, Michel Jullien porte sur l’art pariétal un regard personnel qui, bien qu’érudit et chargé culturellement, laisse affleurer l’émotion brute en revenant aux impressions premières afin d’approcher la vérité de l’œuvre préhistorique « dans sa dimension fascinatoire ». « […] c’est bien de nous dont il est question avec ces peintures alors que nous n’avons pas su conserver la haute mémoire de ce que nous fûmes, en ces âges, ce dont la grotte à elle seule s’est montrée capable ». L’auteur n’ignore pas les théories successives sensées expliciter la démarche des Aurignaciens et des Magdaléniens mais face à des systèmes de pensées qu’une nouvelle découverte écroule (l’interprétation ritualiste de l’abbé Breuil a été balayée par la lecture symbolique d’André Leroi-Gourhan à son tour malmenée par la théorie chamanique de Jean Clottes, etc.), il choisit la rêverie ouvrant sur l’imaginaire et touchant aux racines de l’humanité.
L’essai est captivant de bout en bout. En connivence avec l’auteur, le lecteur sent à mesure se dévoiler peu à peu des vérités premières, évidentes mais ouvrant sur de nouvelles interrogations. Ainsi qu’en est-il de l’exploration des grottes par les Magdaléniens ? Les découvertes demeuraient-elles secrètes, léguées du bout de la langue dans un dernier souffle ? Les artistes venaient-il d’ailleurs ? Offraient-ils leurs services ? Pourquoi ? Contre quoi ? Tout un art de vivre contrarié par les nécessités et les rudesses d’antan ne peut se résumer en passant, s’envisager en dilettante. Avec intelligence et sensibilité, Michel Jullien invite à une rêverie fascinante et vertigineuse. L’écriture est travaillée ; les phrases accessibles n’en demeurent pas moins chargées de contenu et de sens. Bien qu’il faille par plaisir revenir sur un paragraphe pour en éprouver le suc, en soupeser les trouvailles [ainsi face à nos ancêtres, après ces millénaires, nous ne serions augmentés que de roture], la lecture est fluide, instructive, réjouissante. La qualité de l’édition concourt au plaisir. La couverture souple à rabats est superbe. Les nombreuses illustrations rehaussent encore l’ensemble. A partir d’un prix abordable (25 €), on peut raisonnablement embarquer pour un voyage renversant et s’approcher de la fragile grandeur des hommes.
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