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[Essai sur les hommes de la terreur | Hans Magnus Enzens...]
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apo



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Posté: Dim 05 Fév 2017 17:38
MessageSujet du message: [Essai sur les hommes de la terreur | Hans Magnus Enzens...]
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[Essai sur les hommes de la terreur | Hans Magnus Enzensberger]

Ce court essai, à la fois très dense et très lisible, propose le concept de « perdant radical » pour expliquer le phénomène du seul terrorisme actuel « en mesure d'agir à l'échelle de la planète » (p. 39), à savoir l'islamisme. Il s'agit d'un brûlot paru en Allemagne en 2006, qui souffre donc du vieillissement conséquent au passage entre al-Qaida et Daesh : différences tactiques et d'organigramme, dans l'estimation du nombre des affiliés, dans leur profil sociologique et même la représentation relative des deux sexes. Malgré cela, et considérant aussi ses renvois au nazisme, ainsi qu'aux terrorismes d'extrême-gauche et d'extrême-droite des années 60-70, son approche plutôt philosophique et psychanalytique lui permet de conserver une certaine actualité et l'intérêt conséquent.
Le « perdant radical », qu'on ne s'y trompe pas, c'est bien le « looser » radical, et l'on appréciera d'emblée que sa radicalisation concerne cette qualité-là et non la foi religieuse qui l'accompagne, assez accidentellement. Pourtant, et c'est sans doute ce point-là qui a créé la polémique outre-Rhin, dès la moitié de l'ouvrage, après avoir abordé le perdant radical dans son individualité et sa singularité, la démonstration dévie sur le collectif. L'idéologie islamiste, unique port d'attache du perdant radical d'aujourd'hui, se fonde sur deux présupposés de nature à spécifier le rapport entre terrorisme et identité arabo-musulmane : primo, sur le sentiment d'humiliation ressenti par les Arabes à cause des insuffisances des Index de Développement Humain (mesurés par des auteurs arabes), qui prennent en compte des paramètres tels que l'espérance de vie, le niveau d'instruction, la liberté politique, le dynamisme économique, la situation des femmes ; secundo, sur la contradiction que cette crise de civilisation révèle vis-à-vis de la religion musulmane et de toute la tradition qu'elle a de se rapporter aux autres confessions.
L'on peut éprouver des perplexités pour cause de généralisation abusive – la mère de tous les préjugés... - notamment sur deux plans : la généralité de ces sentiments pathogènes chez... chez qui au juste ? l'ensemble des Arabes ? l'ensemble des musulmans ? ou ceux qui sont le plus tiraillés entre Occident et Orient ? ; et d'autre part : si les deux spécificités caractérisant l'idéologie islamiste sont vraiment le catalyseur de la radicalisation de la « loose » du terroriste d'aujourd'hui, ne doit-on pas envisager des causes à la fois individuelles et collectives désormais plus pertinentes, comme la prolifération des opérations militaires postérieures à 2006, qui ont (eu) pour antagonistes des « coalitions occidentales » et des « organisations islamistes » localisées (Libye, Mali, Syrie, jusqu'à la Centrafrique (!)), ou comme l'orientation des recrutements djihadistes particulièrement ciblée sur les populations d'Europe occidentale issues de l'immigration venant de pays musulmans, ou comme l'introduction dans l'échiquier des conflits moyen-orientaux de fractures inter-confessionnelles et inter-ethniques avec leurs propres ambitions géopolitiques et l'instrumentalisation des « perdants radicaux » qui sont sans doute de moins en moins conscients de celles-ci ?


Cit. :

« La seule chose qui est sûre, c'est que de la manière dont s'est organisée l'humanité – "capitalisme", "concurrence", "empire", "mondialisation" – le nombre de perdants ne se contente pas d'augmenter chaque jour : comme dans toute masse considérable, un fractionnement ne tarde pas à se produire ; au cours d'un processus chaotique et obscur, les cohortes de déclassés, de vaincus, de victimes se séparent. Le raté peut se résigner à son sort, la victime peut demander compensation, le vaincu peut toujours se préparer au prochain round. Le perdant radical, en revanche, prend un chemin distinct, il devient invisible, cultive son obsession, accumule ses énergies et attend son heure. » (p. 12)

« Le seul chemin pour échapper à ce dilemme ["C'est ma faute."-"C'est la faute des autres."], c'est la fusion des pulsions destructrice et autodestructrice, de l'agression et de l'autoagression. D'un côté, le perdant radical ressent au moment de son explosion un pouvoir d'une plénitude unique : son acte lui permet de triompher des autres en les anéantissant ; de l'autre, il résout le problème posé en creux de ce sentiment de puissance, c'est-à-dire le soupçon que sa vie pourrait n'avoir aucune valeur, en mettant fin à celle-ci. » (p. 25)

« Le projet des perdants radicaux consiste, comme en ce moment en Irak ou en Afghanistan, à organiser le suicide de toute une civilisation. Il est peu probable qu'ils réussissent à étendre indéfiniment et à perpétuer leur culte de la mort. Leurs attentats représentent un risque toujours présent en arrière-plan, comme la mort quotidienne sur les routes, à laquelle nous nous sommes habitués. Il faudra bien qu'une société globalisée, qui dépend de combustibles fossiles et qui produit constamment de nouveaux perdants, en prenne son parti. » (Excipit)

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