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[Technique du coup d'état | Curzio Malaparte]
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Posté: Dim 20 Nov 2016 13:22
MessageSujet du message: [Technique du coup d'état | Curzio Malaparte]
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Le lendemain de la Première Guerre mondiale et durant la décennie 1920 [et que dire de la suivante!] les démocraties libérales européennes sont menacées par des coups d'État communistes et fascistes. En saisissant le Zeitgeist de l'époque, avant qu'il ne fût devenu évident que certains parmi ces putschs, les quelques-uns « réussis », se transformeraient en régimes dictatoriaux durables et qu'ils mèneraient à une guerre énormément destructrice et à des génocides, on apprend même qu'une certaine désillusion, voire une franche hostilité contre le parlementarisme étaient des sentiments diffus, se superposant avec une conscience de classe en formation mais ne la recouvrant pas. C'est à ce moment-là que Malaparte, fasciste précoce, abjure cette idéologie, et cet essai, écrit en France provisoirement à l'abri des persécutions, ainsi que quelques autres ouvrages satiriques publiés aussi par Bernard Grasset autour de 1930-31, en constitue l'acte le plus sérieux et le plus riche de conséquences. Il est précieux parce qu'il représente une théorisation « sur le vif », se référant à des personnages vivants et parfois au pouvoir, qui lui en tiendront rigueur (même Trotzky qui pourtant eût pu se sentir vengé...), parce qu'il a été rédigé à partir de séjours – en Pologne, en URSS – qui auraient pu aboutir à de simples reportages d'actualité, alors qu'il les dépasse grandement par son caractère comparatif et « systémique » - comme on dira en relations internationales quelques décennies plus tard.
Coup d'État bolchevique réussi en 1917, manqué de Trotzky contre Staline dix ans plus tard (1927) ; manqués deux fois par Pilsudzki en Pologne en 1920 et 1926 ; manqué en Allemagne par Kapp en 1920 et une première fois par Hitler et alliés en 1923 ; manqué en Espagne par Primo de Rivera manipulé par Alphonse XIII en 1923 [en attendant Franco] ; réussi en Italie par Mussolini en 1922... Les conditions politiques de ces pays sont très différentes, et Malaparte démontre avec talent qu'elles n'ont quasiment rien à voir avec l'aboutissement de la tentative insurrectionnelle. Car cette dernière n'est qu'une question de tactique, de technique, mais aussi de conscience de la modernité (le rôle des structures et organisations syndicales, les infrastructures-clés et centres névralgiques de transmission des ordres, la prise de contrôle des systèmes de production...) et la capacité de ces Sylla, Jules César et Catilina modernes d'abandonner un prototype qui ne réside pas autant dans la Rome antique que dans le 18 Brumaire de Bonaparte.
« Bonaparte, ou le premier coup d'État moderne » : il aurait peut-être été logique de se plier à l'ordre chronologique et d'en faire le chapitre Ier – alors que c'est le 5ème. L'esprit du 18 Brumaire se traduit dans un souci de « rentrer dans la légalité », de recevoir un aval parlementaire, mais ça ne fonctionne plus désormais ; la seule tactique efficace à présent est celle de Trotzky en 1917, plutôt que d'un Lénine qui eût été plus bonapartiste... Une tactique que Staline aura comprise et qu'il empêchera de se reproduire en 1927, notamment par la ruse de l'antisémitisme russe. Mussolini, expert dans la chose marxiste, se départ aussi assez progressivement du modèle napoléonien, avec force casses de grèves et huile de ricin. Quant à Hitler, qui à part son éloquence est qualifié des pires attributs, dont celui de femme – ce qui n'est autre qu'une preuve de la misogynie de Malaparte... - il n'a pour lui qu'une « organisation de combat du parti national-socialiste calquée sur [… celle] du fascisme entre 1919 et 1922 » (p. 192), mais, n'étant qu'une « caricature de Mussolini » (p. 190), l'issue de sa démarche est incertaine selon l'auteur et à l'heure où il écrit. Ce dont Malaparte ne doute pas, c'est que «la légitimité d'une dictature consiste en sa violence révolutionnaire » (p. 203) et qu'elle a donc pour effet de « corrompre, humilier, asservir tout le peuple » (p. 201) : un projet qui répugne à tout homme libre.


Cit :

« Quiconque observe sans idée préconçue la situation européenne au cours des années 1919 et 1920, ne peut s'empêcher de se demander par quel miracle l'Europe a pu sortir d'une crise révolutionnaire aussi grave. Dans presque tous les pays, la bourgeoisie libérale se montrait incapable de défendre l'État. Sa méthode défensive consistait, et consiste encore, dans l'application pure et simple des systèmes de police auxquels de tous temps, jusqu'à nos jours, on a vu se confier les gouvernements absolus comme les gouvernements libéraux. Mais l'incapacité de la bourgeoisie à défendre l'État était compensée par l'incapacité des partis révolutionnaires à opposer une tactique offensive moderne à la méthode défensive désuète des gouvernements […]
[…] ni les catilinaires de droite ni les catilinaires de gauche n'ont su mettre l'expérience de la révolution bolchevique à profit. » (p. 116)

« Il ne faut pas faire un grief à Hitler d'être arrivé, par sa seule éloquence, à imposer une discipline de fer à des centaines de milliers d'hommes raisonnables, recrutés parmi d'anciens combattants au cœur durci par quatre années de guerre. Il serait injuste de le blâmer d'avoir été capable de persuader six millions d'électeurs de voter pour un programme politique, social et économique qui fait, lui aussi, partie de son éloquence. […] Ce n'est ni sur leur éloquence ni sur leur programme qu'on juge les catilinaires : mais sur leur tactique révolutionnaire. Il s'agit de dire si l'Allemagne de Weimar est réellement menacée d'un coup d'État hitlérien, c'est-à-dire de savoir quelle est la tactique révolutionnaire de ce Catilina trop éloquent, qui veut s'emparer du Reich et imposer sa dictature personnelle au peuple allemand. » (p. 191)

« Le problème de l'État n'est plus seulement un problème d'autorité : c'est aussi un problème de liberté. Si les systèmes de police se révèlent insuffisants à défendre l'État contre l'éventualité d'une tentative communiste ou fasciste, à quelles mesures peut et doit recourir un gouvernement sans mettre en danger la liberté du peuple ? Voilà les termes dans lesquels se pose le problème de la défense de l'État dans presque tous les pays. » (p. 207)

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