[Les Français sous les bombes alliées 1940-1945 | KNAPP Andrew]

Les Français sous les bombes alliées 1940-1945 / Knapp Andrew. – Paris : Editions Tallandier (en accord avec Bloomsbury Publishing Plc), 2014 (copyright Andrew Knapp and Claudia Baldoli, 2012), 592 p. – ISBN 979-10-210-0461-0

A l'occasion de mon dernier anniversaire, pour la première fois c'est un livre que l'aînée de mes petites-filles (quinze ans) m'a offert. Excellent choix de sa part. Ce livre se consacre à un point d'histoire qui n'aurait peut-être pas attiré mon attention, mais qui s'est révélé très intéressant et qui est très bien traité.
L'auteur examine « les conceptions fondamentales, et les moyens, qui ont donné forme à la guerre aérienne menée par les Alliés contre l'Allemagne ». « L'idée du bombardement stratégique puise ses sources dans les dernières années de la Première Guerre mondiale... Mais la plupart des militaires conçoivent encore l'avion bombardier comme une sorte d'artillerie, destinée à apporter une aide plus ou moins directe aux forces terrestres. Par contre, le bombardement stratégique au sens propre vise, non pas les armées engagées sur le champ de bataille, mais tous les éléments qui permettent à l'ennemi de faire la guerre, et notamment les industries et les réseaux de communication. De plus, en lâchant des bombes en quantité suffisante au cœur du territoire ennemi, l'avion peut semer la panique au sein des populations, atteignant ainsi leur moral et leur volonté de continuer le conflit. »
L'auteur détaille comment s'organise la prise de décisions, au Royaume-Uni avant l'entrée en guerre des U.S.A., puis entre les Alliés. Il examine les moyens de bombardement dont disposent les Alliés, assez modestes au début de la guerre, mais qui connaîtront une croissance considérable ensuite. C'est seulement à partir de février 1942 que des systèmes d'aide à la navigation seront disponibles (au début du conflit, 40% des équipages du Bomber Command sont incapables de trouver une ville en Angleterre de jour). L'auteur discute le choix de la stratégie du bombardement de zone (déversement massif de bombes sur tout ou partie d'une agglomération) plutôt que celle du bombardement de précision. Il ne dissimule pas le cynisme de l'Air Field Marshal Sir Arthur Harris, devenu chef du Bomber Command début 1942, pour lequel, si la mort des enfants et des vieillards n'est pas souhaitable, c'est parce qu'ils représentent une charge pour l'économie allemande. A leur arrivée, les forces américaines de bombardement ont bien l'intention d'appliquer la doctrine de leur pays : le bombardement de précision, effectué de jour. Cela dit, la réalité des bombardements américains sera bien différente de celle escomptée.
La France n'est pas l'Allemagne, ce qui entraîne de nombreuses restrictions (par exemple, pas de bombardements en zone libre), mais ces restrictions vont s'assouplir progressivement. Pour mieux cerner le pourquoi et le comment des opérations, l'auteur fait le choix de laisser de côté le traitement chronologique pour un traitement par types d'objectifs : les ports, les industries, les transports, les objectifs militaires.
Il évoque ensuite quelle a été la préparation de la population française aux bombardements, l'attitude de l'occupant, du gouvernement français collaborationniste. Il examine la guerre de propagande entre Vichy et les Alliés. Il montre les difficultés à réaliser une évacuation par les civils des zones à risque, à organiser les secours. Il expose le vécu de ceux qui durent subir les bombardements, tente de cerner les opinions des Français à l'égard de ces bombardements, le cas particulier de la position des résistants.
Dans sa conclusion, l'auteur examine assez longuement l'éventualité de considérer les bombardements alliés en France comme des crimes de guerre. Il signale la diversité des comportements des Français, entre dévouement et pillage. Il termine en remarquant que la « révolution de la précision » qui caractérise l'époque actuelle s'accompagne du développement au même rythme, au moins, des inconvénients politiques qui s'attachent au bombardement des civils, ce qui rend un peu imprudente l'affirmation de certains experts selon lesquels « La puissance aérienne devrait donc être notre arme de premier recours, parce qu'elle représente, parmi les outils de notre arsenal, le plus prudent, le moins entouré de risques, et le mieux à même de distinguer clairement la cible ». Il me semble pourtant que l'opinion de ces experts est ce qui guide actuellement la stratégie des puissances occidentales et même, ainsi qu'on peut le constater depuis ces derniers jours, celle des états de la péninsule arabique.

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