En découvrant le résumé de ce roman de Paul Auster, j'ai pensé que bâtir un récit sur une approche anthropomorphique était un pari risqué. Mais j'ai rapidement réalisé que tel n'était visiblement pas le but de l'auteur qui, en choisissant de faire d'un chien le héros de "Tombouctou", a juste voulu raconter l'histoire ... d'un chien ! Un chien avec des préoccupations canines, des besoins physiologiques canins, une vision canine du monde.
Alors bien sûr, vous allez me dire que Paul Auster extrapole, qu'en tant qu'être humain, c'est avec sa sensibilité d'homme qu'il imagine les pensées, les émotions de son héros, que celles-ci sont forcément irréalistes. Je vous rétorquerais qu'après tout, le même problème se pose lorsque l'on met en scène des personnages humains : on ne peut jamais qu'imaginer, à l'aune de ses propres expériences, le détail de leurs débats intérieurs... et un roman ne sera jamais que la transcription de ce que l'auteur imagine, interprète.
Et d'ailleurs, ce n'est pas un problème. Qu'est-ce qui importe, lors d'une lecture ? Que le propos de l'auteur soit le plus réaliste possible ?
Que nenni, et les lecteurs le savent bien : ils se fichent de savoir si ce qui est raconté est vraiment arrivé, comme ils se fichent de savoir si c'est vraiment ainsi que raisonnent les chiens...
Ce qui compte, c'est le plaisir que procure la lecture, et la force des émotions qu'elle suscite en nous.
Bon, revenons-en à nos moutons, ou plutôt à notre chien. Il s'appelle M. Bones, c'est un bâtard au physique ingrat, mais un bâtard dans l'ensemble très heureux, puisqu'il vit une formidable histoire avec son maître Willy, faite de complicité et de sérénité. Seulement, leur belle collaboration semble être arrivée à son terme. En effet, Willy est très malade, et M. Bones ne doute pas un instant qu'il va bientôt mourir. Cette perspective l'effraie : son maître représente pur lui le monde, ce qui signifie que s'il disparaît, le monde disparaîtra probablement avec lui... Pour l'heure, les deux compères errent dans les rues de Baltimore, à la recherche d'une institutrice que Willy n'a pas vu depuis trente ans, mais il est persuadé qu'elle seule saura prendre soin de l’œuvre qu'il va laisser derrière lui : plus de soixante-dix cahiers dans lesquels il a consigné le début d'une épopée en vers.
"Tombouctou" est une fable simple, mais pas simpliste, dans laquelle Paul Auster adopte un ton tantôt bon enfant, tantôt dramatique. La relation qui unit M. Bones et Willy est touchante, ce dernier étant par ailleurs fort attachant. Au gré d'une vie de bohème et de vagabondage, ce fils unique d'une veuve juive psycho rigide a toujours privilégié la liberté et la camaraderie à la réussite et à l'argent, ce qui lui a valu de connaître, bien souvent, la solitude. L'auteur pose ainsi, avec ce récit, la question de la fidélité à nos propres valeurs.
Entre autres...
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