En 1988, dans ce qui constituera probablement son meilleur album intitulé « If », Bernard Lavilliers chantait « Haïti Couleurs » avant que le séisme meurtrier et dévastateur du 12 janvier 2010 n’ébranle toujours un peu plus la Repiblik Dayiti, soit la « montagne dans la mer », surnommée encore la « perle des Antilles ». Un autre homme, moins barde et davantage poète à temps plein, Yvon Le Men, arpente les rues de Port-au-Prince avec un confrère haïtien, Bonel Auguste, rescapé de l’hécatombe. Entre la peste et le choléra, les Haïtiens n’ont pas eu à choisir puisque l’épidémie a embrayé à la suite des tremblements de terre. Entre la corruption et la terreur, la misère et la violence, la perte des repères et l’effondrement du substrat nourricier dans la mer, la vie semble bien ténue : « L’eau, dans certains quartiers, arrive à dos d’enfants... » Le poète breton rend compte de ses observations avec des poèmes courts enchâssés dans des récits descriptifs. Après un prologue pour poser le décor, Yvon Le Men livre ses impressions prises sur le vif en deux parties intitulées « Fragmentations, éclats » et « Reconstitutions ». L’ensemble de l’opuscule fait une soixantaine de pages et laisse le lecteur sur sa faim. Les notations du poète donnent à voir et à ressentir une île à la dérive mais elles ne contiennent aucun bonheur d’écriture. Certains passages paraissent maladroits, voire abscons : « Un homme / une plaque de taule sur la tête… ». Faut-il comprendre qu’il soulève un morceau de sa prison comme un atlante ? Ou plus prosaïquement, faut-il y voir une faute typographique et lire « tôle » à la place de « taule » ? La même erreur surgit à un autre passage et cela fait un peu désordre quand on connaît le soin porté aux mots par le poète. En dépit d’une noble intention et d’une sympathie acquise, il faudra attendre de lire d’autres œuvres pour entrer en résonance avec un tel homme de foi portant haut et fort le verbe poétique.
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