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[Toute la géographie du monde | Jean-Claude Barreau, Gui...]
Auteur    Message
Franz



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Posté: Mar 28 Aoû 2012 16:25
MessageSujet du message: [Toute la géographie du monde | Jean-Claude Barreau, Gui...]
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[Toute la géographie du monde | Jean-Claude Barreau, Guillaume Bigot]

En généralisant leurs propos, les auteurs peuvent avoir des partis-pris aux propriétés urticantes, inflammatoires et répulsives notamment dans leur introduction racoleuse : « Les Français n’ont jamais autant voyagé mais ils n’ont jamais autant ignoré la géographie ». Trois phrases plus tard, on peut lire : « Les superbes photos aériennes d’un Yann Arthus-Bertrand sont reçues comme des tableaux… ». Ah, ouiche ! Quelques encablures plus loin, on déchiffre le ressassement des auteurs dans leur litanie sur l’ignorance présumée des universitaires : « L’étudiant moyen… connaît beaucoup moins d’histoire et de géographie aujourd’hui (les deux auteurs, enseignants en faculté, en témoignent) que le candidat au certificat d’études de jadis ». Et alors, docteurs ? Est-ce grave ? Que sait-on de la géographie à travers l’énumération des affluents et des sous-préfectures ? Fort heureusement, la suite se révèle intéressante, intelligente, par à-coup captivante. Les auteurs décentrent le point de vue habituel à partir de la lecture des cartes et un nouveau monde surgit, évident, vivant, en réseau. Les pays s’égrènent sur une ossature tellurique qui les conditionne et détermine souvent l’habitat, le climat et l’histoire des hommes. Après une présentation générale de la Terre et de ses grands ensembles géographiques, de sa géologie et de son climat, le livre oppose à l’hémisphère du vide (le Pacifique) le « tricontinent » (l’Europe, l’Asie et l’Afrique) en déroulant les grandes masses qui se jouxtent selon une dorsale montagneuse, de l’Atlas à l’Himalaya et un immense désert transversal, du Sahara au Gobi. Parfois, la justesse d’une description géographique ouvre sur une envolée poétique involontaire : « On ne saurait imaginer entrée plus étrange dans le Sahara que le Tademaït, grande surface lisse comme un noir miroir, enclume sur laquelle tape le soleil. […] Une fois le Tademaït franchi, ce sont des océans de dunes blondes ou rouges moutonnant à l’infini et que dore la gigantesque et silencieuse illumination du soleil, ici et là, de grands volcans éteints, tuyaux d’orgue jetés vers le ciel. […] on découvre souvent de l’eau. Au creux de la falaise se cachent les gueltas, magnifiques petits lacs, profonds et préhistoriques. Dans le grand désert terrestre, contrairement au désert martien, existent des oasis, de palmiers en Afrique, de peupliers frémissants en Iran, d’herbes ondulant au vent dans le Gobi. » On devine sous les sédiments des clichés littéraires un souffle « géopoétique » jailli naturellement de la porte ouvrant sur le Sahara, les basaltes érodés et les havres hors du temps. Les auteurs ne perdent jamais de vue la circulation des hommes le long des rivages maritimes qui échancrent le tricontinent dans sa partie occidentale comme la Méditerranée « mer au milieu des terres », les mers Noire et Rouge ainsi que les passages à travers les massifs montagneux, du Caucase aux Alpes, la montagne pouvant aussi faire obstacle ; l’altiplano du Tibet rend par exemple la chaîne himalayenne hostile à toute installation humaine pérenne. Une éclairante et rapide description géographique, historique et politique des pays va à l’essentiel et aiguise la curiosité. Ainsi de l’Albanie, « un pays montagneux plus sauvage encore et en majorité musulman. Personne ne sait trop d’où provient la farouche population des Skipetars qui occupe ses montagnes depuis des temps immémoriaux ». La palme revient à la description du Yémen. Le lecteur, tel un petit dieu de salon que le voyage livresque n’a pas encore éreinté, se sent pousser des ailettes aux chevilles : « […] la maison yéménite, dépourvue de cour et de patio, développe ses étages autour d’un escalier central de pierre noire… au sixième, le grand salon ou Moufraj aux fenêtres ogivales largement ouvertes sur la montagne. […] Chaque maison est un palais, chaque ville perchée évoque Sienne ou Montepulciano. […] Les Yéménites constituent une véritable nation, ancienne, inventive et joyeuse. Ils ont réussi (mieux que les Incas ou les Javanais) à sculpter le relief en milliers de marches d’escalier. Des dizaines de milliers de terrasses d’un mètre de large, chacune surplombant la suivante de cinquante centimètres, ont transformé la totalité de la montagne en œuvre d’art. » Les auteurs poursuivent leurs observations enthousiastes en connaisseur, allant jusqu’à s’attarder sur la culture et l’utilisation du qat. Ils concluent : « Le Yémen reste l’un des pays les plus surprenants du monde, épargné par le tourisme, ouvert aux randonneurs. » Le message a été reçu 5/5. Ensuite, les péninsules méditerranéenne, ibérique, italienne, balkanique, anatolienne et maghrébine sont évoquées avec les pays avoisinants en cortège. A nouveau, l’information dense et bien distillée est délicieuse à inhaler et à s’approprier. Le finistère européen prend la suite et englobe la vieille Europe dont la France [24 pages synthétiques lui sont consacrées alors que deux seulement narrent l’histoire de l’Angleterre]. Les sous-continents indien et chinois que l’Himalaya sépare révèlent leur lot de surprises qu’il est impossible de recenser ici : « La Chine du Nord est une civilisation des nouilles (ramenées en Occident par les Vénitiens et Marco Polo) ». La petite cinquantaine de pages consacrées à « la masse impénétrable de l’Afrique » ne dérogent pas à la règle et agrippent l’attention du lecteur. Ensuite, le traitement géographique des océans aborde les îles et les pays limitrophes (Chili, Nouvelle-Zélande, Brésil, Portugal, Norvège, Groenland, etc.). On y apprend qu’il existe un Brésil solide et un autre spongieux ; qu’à Cuba « les feuilles de tabac n’ont pas la même saveur d’une colline à l’autre. C’est à Pinard el Rio qu’ils sont les plus fins » ; que le Groenland a bénéficié de « l’optimum climatique médiéval ». Erik le Rouge n’aurait pas fait de l’humour noir et de la publicité mensongère en le dénommant « Terre verte ». Aujourd’hui, on exhume les anciennes fermes viking. Enfin, le tour de la terre se clôt sur l’île continent américaine, entièrement entourée d’eau et autosuffisante.
Jamais ennuyeux, volontiers irritant (l’épilogue sur la mondialisation avec la charge contre les écolos anti-nucléaires peut valoir quelques boutons bio), le livre des sieurs Barreau et Bigot se dévore sans faim jusqu’au bout.

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