Aïe aïe...voilà un tout petit livre qu'on aimerait tellement haïr par ses prises de position si impolitiquement correctes ! un petit livre qui met à mal nos convictions humanistes et républicaines....car il est convenu que nous sommes tous, par l'étendue de nos lectures notées sur l'Agora, des citoyens responsables , cultivés,bref des citoyens dignes descendants des pères des Lumières. Bardolle va alors nous carresser à rebrousse poils. Avec un incontestable talent . Je me suis ainsi découvert réactionnaire ! ce dont je ne doutais pas vraiment... considérant que plus les années passent plus la nostalgie d'un âge d'Or devient prégnant.
Le propos de Bardolle n'est pas franchement nouveau ; c'est le grand discours contre les Lumières (Burke,Bonald,De Maistre..) revisité à la sauce mondialisée. Il ne tombe pas dans le "tout était mieux avant", Bardolle est remarquablement fûté pour présenter de vieilles recettes comme la nouvelle doxa anti-libérale, n'hésitant pas à convoquer des penseurs de gauche à l'appui de ses démonstrations. Ceci dit , et c'est en cela que l'on peut vraiment parler de "réaction", Bardolle appuie bien fort sur un thème qui transcende les clivages droite-gauche. Le réactionnaire c'est vraiment celui qui nie la notion même de progrès. Entendons nous bien : nul ne nie le progrès technique, celui qui facilite la vie des hommes . Mais quant à lier progrès matériel et progrès moral....il y a un gouffre que les "réacs" se gardent bien d'essayer de franchir. Et Bardolle de convoquer Schopenhauer,Nietzsche,Céline....Et Comment ne pas leur donner raison quand on assiste à l'obscurcissement des révoltes arabes ? Il ya un "poids" du monde que les infatigables et naïfs tenants d'un futur toujours meilleur ne prennent jamais en compte ; en cela héritiers méritants d'une histoire "chrétienne" qui donne la Liberté à l'Homme . Une liberté qui devrait permettre à l'Homme de devenir l'égal de Dieu par la maîtrise de la Connaissance...
Le constat de Bardolle (comme d'un autre écrivain dont je vais prochainement "noté" le livre) est que l'Homme est fatigué de la Modernité. Etre réactionnaire ce n'est pas forcemment (mais ça se peut aussi...) militer au Front national (qui est quand même terriblement productiviste, maîtrise de la nature,chasse pêche nature et traditions....),mais c'est avant tout considérer que les Anciens (là décidemment connoté réac ce mot....) ne sont pas juste bons à placer dans les musées et les livres d'histoire, mais que leur enseignement est toujours actuel, vivifiant et hautement révolutionnaire ( N'est-ce-pas Monsieur De Montaigne ! ).

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Petite "réaction" impromptue : mais qui est réformiste voire révolutionnaire aujourd'hui, depuis le néo-libéralisme, la droite ou la gauche ? Et qui est réactionnaire (à ces changements) ?
Et puis, la mise en abîme du mythe du progrès, n'est-ce pas... Bref...
on peu tous convoquer Montaigne... même une think-tank patronale très connue. Et quant à Céline, et aux philosophes allemands sus-cités (n'y a-t-il pas aussi Heidegger par hasard ?), ils sont quand même tous super à la mode...

Bonjour Apo. Oui bien sûr tu as raison. Dans cette période où toutes les idéologies s'affaissent et réapparaissent grimées sous de nouveaux habits il ne faut s'étonner de rien. J'aurai plus dû développer le côté "air du temps" de ce bouquin. Aujourd'hui il est presque de bon ton de se dire réac. Il n'empêche que le fond est solide. Et ce sont souvent ceux qui convoquent urbi et orbi les anciens, les "valeurs", la "civilisation à défendre" qui sapent le plus ces idéaux. Sarkosy parlant de Jaures ou la présidente du Medef citant Montaigne....obscénité totale. D'ailleurs ces deux représentants emblématiques ne sont justement pas du tout réacs ! ce sont les plus violents thuriféraires de la modernité débridée !
Bon ,ceci dit, je sais bien que poster une note de lecture sur un tel livre ne peut que faire réagir les lecteurs de l'Agora !

Réagir, exactement! Réagir, réaction... ou, comme le disait Ellul d'un trait d'humour (je cite à peu près, j'ai la flemme de chercher) : "on m'accuse d'être réactionnaire (parce que, évidemment, il disait que le progrès technique n'était pas un progrès moral, et qu'il fallait du coup s'interroger sur le fait que le progrès technique soit vraiment un progrès - ce qui ne faisait pas de lui un technophobe, mais un prudent), mais je constate, quant à moi, que les avions à réaction sont ceux qui sont les premiers arrivés, donc en avance sur les autres".

D'autant plus drôle qu'Ellul critiquait vivement ces mêmes avions à réaction!

Bref, réactionnaire, c'est l'insulte politique suprême. Mais quant on regarde bien, le clivage "progressiste"/"réactionnaire" a changé de camp. La Gauche, qui était progressiste il y a un siècle, est devenue réactionnaire. Et vice/versa. Et pour ma part, je crois qu'il faut sortir de l'idéologie (même si nous en sommes TOUS pétris) et ne pas utiliser les mots à notre convenance : il est des situations et des temps où il convient d'être progressiste, et d'autres situations ou d'autres temps où il convient d'être réactionnaire. Le progressisme ou le réactionnisme (???) ne sont pas idéologique EN SOI, mais sont des attitudes face à une situation. Par exemple, pour ma part, devant la question des OGM, il conviendrait d'être réactionnaire (revenons à une agriculture respectueuse de la nature et à la tradition des Anciens). Mais devant la question du travail, il convient d'être progressiste (à mon sens : repensons notre rapport au travail pour avoir besoin de travailler moins et dégager plus de temps dans la gestion de la cité : ça, c'est un vrai progrès pour moi!).

Nonobstant (ça fait toujours bien dans une phrase), c'est un livre qui doit être intéressant à lire.