« On n’ira [pas] où tu voudras quand tu voudras. » L’Eté indien fouette le sang des érables et des hommes dans la Nouvelle-Angleterre, vers l’an de grâce 1625. La nièce du révérend Black, lui-même sinistre fornicateur devant le diable, musarde au bord des flots mais deux jeunes Indiens en rut décident d’aller cueillir la rose de la mignonne. Après le viol, le bain de mer pourrait être purificateur mais c’est sans compter sur Abner Lewis, témoin de la scène, irascible, jaloux et incontrôlable, dissimulé dans les dunes, qui abat les deux compères de deux vilains coups d’escopette. L’irréparable vient d’être commis. La suite n’est plus qu’une histoire de vengeance. La tribu découvre les jeunes corps scalpés et décident d’aller demander réparation selon la loi du sang. Les traces laissées par Abner sont explicites pour les redoutables pisteurs indiens. Bien qu’ils soient amis avec la famille Lewis, ils assiègent la maison des colons. Il faudra l’intervention de l’armée et de la nuit pour que le combat connaisse une trêve afin de pleurer les morts. La fuite opportune dans la petite ville fortifiée de New Canaan déplace l’attaque indienne mais la tuerie reprend de plus belle. L’été indien est rouge sang.
Hugo Pratt a scénarisé une histoire telle qu’il les affectionne, mêlant nature, fraternité et conflits, dans la zone incertaine des frontières mouvantes. Milo Manara s’est emparé de ses crayons, de ses manies et de ses aquarelles pour mettre en forme une vendetta implacable pleine de sexe et d’hémoglobine. Il apparaît faible dans ses représentations stéréotypées des corps féminins et des jouissances outrées. Il est magistral dans la mise en scène. Les planches sans parole sont particulièrement éloquentes et l’utilisation de l’aquarelle est en parfaite adéquation avec le récit, les couleurs fluides virant au sépia quand l’histoire se tourne vers le passé ou plonge dans l’avenir. La lecture est sans temps mort. Indéniablement, cette bande dessinée est un chef-d’œuvre. Le travail en intelligence des deux auteurs transalpins fait plaisir à voir et les années n’ont pas d’emprise sur ce one-shot aujourd’hui réédité par Casterman.
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