"Chimères d'En-Ville" a été écrit entre 1979 et 1981.
Homère, un "descendu" (campagnard venu vivre en ville) originaire du nord de la Martinique, est arrivé une dizaine d'années plus tôt dans le quartier de Morne-Pichevin, à Fort de France, où il s'est mis en ménage avec la belle Adelise. A la suite d'une sérieuse dispute avec cette dernière, et de son éviction du quartier par ses habitants pour un motif obscur et surtout injustifié, Homère se retrouve seul, la valise à la main, à fuir le Morne-Pichevin. Au cours de son périple, il se remémore des souvenirs de sa vie à la campagne puis en ville, révélateurs de son amertume : lui qui pendant des années s'est cru apprécié de ses voisins, qui a toujours rendu service et s'est montré bon camarade, se fait éjecter comme un malpropre, comme l'étranger qu'il a finalement toujours été !
C'est aussi son style qui rend la lecture de "Chimères d'En-Ville" si plaisante. Plus abordable cependant que "La lessive du Diable", ce roman est une alernance de l'histoire d'Homère et d'extraits du "Lexique intime d'une négresse en chimères" que rédige Adelise, dans l'optique de créer un dictionnaire pour les "nègres", afin de pallier les lacunes du Larousse : elle trouve les mots des blancs "impuissants à apaiser la souffrance, trop secs, trop froids".
Il sourd du récit l'expression d'un besoin puissant de reconnaissance, et de paix aussi, car l'univers dépeint par l'auteur semble être fait d'antagonismes : antagonisme blancs/noirs, citadins/campagnards, langue française/langue créole...
Il paraît bien difficile de suivre son bonhomme de chemin entre la jalousie des uns et le mépris des autres !
La langue de Raphaël Confiant semble à certains moments pouvoir se chanter tant elle est musicale. Elle ouvre sur un monde foisonnant, où truculence et mélancolie parviennent à faire bon ménage.
Loin des clichés des Antilles paradisiaques de sable blanc et de mer bleue, il évoque la Martinique dans toute sa réalité, plus triviale mais aussi plus touchante, et s'intéresse au peuple qui ne figure pas dans les guides touristiques, celui des "putaines", des quimboiseurs (1), des djobeurs (2) et des coupeurs de cannes.
(1) Sorciers.
(2) Ceux qui effectuent des petits travaux au noir, bricoleurs.
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