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[La trilogie de Signe | Kerstin Thorvall]
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ingannmic



Sexe: Sexe: Féminin
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Posté: Ven 04 Déc 2009 11:03
MessageSujet du message: [La trilogie de Signe | Kerstin Thorvall]
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Kerstin Thorvall est une écrivaine suédoise très prolifique (elle a publié plus d’une soixantaine d’ouvrages) mais méconnue. En effet, certains de ses romans lui ont valu dans son pays natal d’être démolie par la critique, qui est allée jusqu’à lui coller une réputation de nymphomane ! Le public français ne l’a découverte que récemment, grâce à la traduction de sa « Trilogie de Signe », romans autobiographiques qu’elle rédigea au début des années 90.Je n’ai lu pour le moment que les 2 premiers tomes de cette trilogie (j’attend que le 3ème soit disponible à la médiathèque…).

« Le sacrifice d’Hilma » (1925-1931)
Nous faisons la connaissance d’ Hilma, personnage central de ce roman au moment où elle rencontre celui qui deviendra son époux : Sigfrid Thornvall. Hilma est une jeune femme du Nord de la Suède, de condition modeste, qui a été élevée dans le puritanisme et la crainte de Dieu. Les valeurs prônées sont l’humilité et le travail, toute manifestation de joie ou d’orgueil est considérée comme sacrilège, pour ne rien dire des plaisirs charnels, que l’on n’évoque même pas du bout des lèvres… Grâce à son sérieux et à ses capacités, Hilma a obtenu son diplôme d’institutrice et la possibilité de bénéficier d’une certaine indépendance financière. Cela ne durera pas bien longtemps : le charme et la verve du beau Sigfrid la séduisent, le mariage est célébré presque aussitôt, précipité par une belle famille heureuse de pouvoir enfin caser son rejeton, atteint d’une maladie mentale qui a jusqu’alors découragé les prétendantes. Cette « tare » (ignorée de la jeune épouse jusqu’à une nuit de noces cauchemardesque) se manifeste sous la forme d’accès de violence et de pulsions libidineuses démesurées. Malgré l’horreur qu’inspire à la prude et naïve Hilma cet « atavisme », celle-ci, fidèle à son engagement, restera auprès de son mari qui lui donnera Signe, son unique enfant.

« Les années d’ombre » (1931-1946)
Après le décès de son époux, Hilma se retrouve seule à élever Signe qui, le lecteur l’aura compris, n’est autre que l’auteure. La jeune mère fait preuve d’une volonté et d’un courage inébranlables en dépit de l’appréhension qu’elle éprouve à voir sa fille devenir femme et revendiquer une vocation de dessinatrice de mode.

En même temps que le destin d’Hilma, le lecteur découvre les mœurs et les événements qui bouleversent la vie des citoyens suédois à cette époque. C’est l’émergence du courant social démocrate, motivée par les conditions de travail précaires que connaissent les ouvriers, et inspirée du mouvement révolutionnaire déclenchée en Russie. En Allemagne, pays ami, un certain Adolf Hitler monte petit à petit les échelons du pouvoir, au grand dam des sociaux démocrates, mais l’ensemble de la nation, sous prétexte de neutralité, ne prend pas position face au danger que représente le chancelier, et conservera durant le conflit mondial qui suivra ladite neutralité. J’ai été réellement frappée de découvrir, dans ce pays qui a accordé le droit de vote aux femmes dès 1919 (pour rappel, les françaises ont du attendre 1944), et qui passe aujourd’hui pour un modèle en matière d’égalité hommes/femmes, l’état de la condition féminine d’il y a moins d’un siècle. Celles qui travaillent sont quasiment condamnées à rester célibataires, les divorcées sont considérées comme d’immorales dévergondées… Hilma en est le parfait exemple, qui ne conçoit pas de continuer à exercer son métier d’institutrice en étant mariée. Est-ce du à ses origines modestes, aux principes religieux rigides et puritains qui lui ont été inculqués ? Toujours est-il que l’auteure traite ce puritanisme et cet « obscurantisme » religieux de façon très sarcastique et avec aussi un certain détachement : autant elle utilise volontiers le « nous » pour s’impliquer lorsqu’elle évoque les événements historiques contemporains à son récit, autant à aucun moment elle n’use du même pronom lorsqu’il s’agit de décrire le quotidien de la famille Thornvall. Peut-être est-ce un moyen pour elle de prendre ses distances avec une mère qui, si on ne peut nier l’amour qu’elle éprouve pour son enfant, se montre obsessionnellement protectrice et par conséquent… j’ai presque envie de dire « castratrice », ne trouvant pas de terme équivalent pour les filles !

J’ai beaucoup aimé le 1er volume de la trilogie : les personnages y sont attachants, le récit prenant. J’ai moins accroché au 2ème tome, qui m’a paru plus long, parfois répétitif, mais qui ne m’a tout de même pas déplu au point de m’ôter l’envie de lire le 3ème…

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"La rage d'être libre"

J'ai, pendant de longs mois, maudit ma bibliothèque, qui avait la curieuse idée de proposer à la lecture les deux premiers tomes d'une trilogie... et pas le troisième. Sans doute lassés de me voir déposer chaque semaine le même formulaire de souhait, ils ont fini par céder, et par acquérir "La rage d'être libre", dernier opus de "La trilogie de Signe" de la suédoise Kerstin Thorvall. Le problème, c'est qu'ayant lu le début de cette trilogie il y a 8 mois, j'ai eu au départ un peu de mal à me replonger dans l'ambiance et l'histoire...

Pour rappel, à la fin des "Années d"ombre", nous avions laissé Hilma, mère de Signe et personnage principal des deux premiers volumes, en plein émoi. En effet, la fille chérie dont elle souhaitait à tout prix préserver la pureté et l'innocence s'était non seulement lancée dans de frivoles études de dessinatrice de mode, mais en plus, -ô sacrilège-, s'était trouvée un petit ami! Afin d'éloigner les deux tourtereaux, elle avait offert à Signe un stage de dessin à Paris.

Alors qu'auparavant la narration était menée à la troisième personne, c'est cette fois Signe qui s'exprime, relatant ses neuf années de mariage avec Lars-Ivar (le fameux petit ami), marquées par ses succès professionnels mais par un profond mal-être psychologique. En effet, élevée par une mère hyper-protectrice et puritaine, Signe est une jeune femme timide, complexée, complètement ignorante en matière de sexualité. C'est pourquoi lorsque Lars-Ivar, camarade d'école populaire et séduisant, lui fait la cour, à elle, le vilain petit canard, elle exulte!
Lui est touché par la pureté de Signe, et apprécie surtout l'image qu'elle lui renvoie. Elle le vénère presque, et son admiration pour lui l'amène à l'imiter, dans ses prises de position politiques (sociales-démocrates) et religieuses (il est athée). C'est à la fois une émancipation, puisqu'elle renie les préceptes rigides et aliénants que lui a inculqués sa mère, mais c'est aussi l'enfermement dans une autre prison : la dépendance change de support, mais reste une dépendance. Et Signe étouffe, malgré une situation privilégiée pour l'époque (elle a fait des études et représente la principale source de revenus du foyer...) : elle sent qu'elle n'est pas encore elle-même, ni en tant que mère ni en tant qu'épouse. Elle n'a pas encore surmonté son complexe d'infériorité et cette peur de la folie, d'avoir hérité de"l'Atavisme" paternel, qui la hante. Cela se traduit par des insomnies, des dyspnées, des crises d'angoisse... Foutaises, caprices, pour son entourage : un mari séduisant, des enfants en bonne santé (qui plus est des garçons!), une succession de réussites professionnelles... que désirer de plus?

Comme dans les volumes précédents, l'auteure insiste tout le long du récit sur la condition féminine et son évolution dans cette société des années 40-50. Une condition qui laisse encore à désirer, en dépit de l'apparition de certains progrès, notamment en matière de connaissances médicales, qui permettent d'aborder les problèmes "féminins" sous un angle plus rationnel, et d'abandonner par exemple le mythe de l'hystérie féminine en découvrant l'importance du rôle des hormones. La vie de Signe illustre à merveille à la fois ces évolutions, et la difficulté pour une femme de se réaliser par et pour elle-même.
"La rage d'être libre" donne à cette trilogie un éclairage différent : Hilma, qui dans les précédents romans, passait plutôt pour une victime, est présentée ici comme la cause principale des angoisses de sa fille et comme une mauvaise mère. Bien qu'elle apparaisse physiquement très peu dans ce tome, on ressent de façon quasi permanente le poids de son éducation et de sa personnalité sur les agissements et les pensées de Signe.
Personnellement, c'est le 1er volume que j'ai préféré. L'auteure m'a parue plus à l'aise dans la relation de la vie de sa mère que de la sienne (rappelons qu'il s'agit d'un récit autobiographique), mais sans doute est-ce logique : la part de fiction inhérente à la reconstitution de l'existence d'Hilma, et l'imagination mise en oeuvre pour décrire ses sentiments, permettent plus de recul que lorsqu'il s'agit de décrire ses propres émotions.
En même temps, je trouve très touchant cette démarche qui consiste à tenter d'expliquer et de comprendre le comportement maternel, en remontant dans son passé, comme si l'auteure s'efforçait de dépasser la haine qu'elle semble éprouver pour sa génitrice, pour la considérer en tant que femme, elle aussi victime d'une société machiste et puritaine.


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