Manuel d’histoire bâti sur les programmes scolaires de 1923 et 1925, le « Mallet-Isaac » part de la Rome antique pour aboutir à la naissance du monde moderne à l’été 1914. Tout un programme donc mais dans un style vivant où les mots pèsent leur poids de vie et rendent compte d’une érudition axée en majeure partie sur la France et l’Europe. Un précieux index des noms propres permet de s’y retrouver dans le flot bouillonnant de l’histoire des hommes.
Dans le premier tome,
Rome et le Moyen Âge, l’histoire romaine est brossée à grands traits et laisse entrevoir notre civilisation en train de se construire. Si l’héritage gréco-romain est déterminant en Gaule, hormis quelques monuments, il ne laisse aucune trace en Afrique du Nord (Tunisie, Algérie, Maroc) alors divisée en quatre provinces et occupée par une armée de 27 000 hommes. En Gaule, la langue romane s’élabore à partir d’un argot latin diffusé par les soldats et les petits commerçants. La religion chrétienne naît sur la base des quatre Evangiles (bonnes nouvelles) retraçant la vie de Jésus (le Messie se traduit en grec par le Christ). La décadence de l’Empire romain d’Occident est enclenchée malgré des sursauts salutaires mais sporadiques. Le IVe siècle voit l’afflux des Germains venus se réfugier dans le giron romain sous la poussée des Huns qui sèment le carnage et la terreur. En 476, Rome passe sous la coupelle germanique et l’histoire politique de l’Empire d’Occident prend fin mais le droit romain perdure ainsi que la langue, au sein de l’église et des milieux lettrés. L’Occident entame sa longue période moyenâgeuse vers l’an 500 avec l’implantation des peuples germaniques, Wisigoths, Ostrogoths, Vandales et Francs. Clovis, fils de Childéric, lui-même bienveillant vis-à-vis des évêques, s’appuie sur le pouvoir catholique pour conquérir la Gaule. Marié à la princesse catholique Clotilde, baptisé à Reims vers 500 par l’évêque Rémi, traitant les Gallo-romains à l’égal des Francs sans chercher à les spolier, il remporte les batailles décisives de Soissons et Tolbiac contre les Ariens. Après lui, dans la lignée des Mérovingiens (de Mérové, grand-père de Clovis), seul émerge Dagobert. La Gaule se morcelle à la suite des héritages selon la loi germanique en vigueur : autant de fils royaux, autant de royaumes. Les terres sont aussi données aux soldats belliqueux et exigeants. Les derniers Mérovingiens, les rois fainéants, ne posséderont presque plus rien. Le pouvoir va passer ensuite aux mains du chef des domestiques du palais royal. D’abord Charles Martel puis son fils, Pépin le Bref, débuteront la dynastie des Carolingiens (du nom de Charles, Carolus en latin) en s’appuyant aussi sur l’église pour lutter contre les invasions arabes car les tribus ont su se fédérer sous l’impulsion de Mahomet, le prophète et de la religion musulmane puis constituer au fil des siècles une puissance formidable. Les conquêtes arabes sont spectaculaires. Un Empire immense se constitue, allant jusqu’en Inde. En Occident, Tarik, le général qui conquiert l’Espagne, dispose d’une armée de 12 000 Berbères et de seulement 300 Arabes. La civilisation arabe a réussi à réunir les cultures orientales et occidentales, opérant une synthèse des arts, des artisanats et des pratiques culturales. En Orient, Justinien, à Constantinople, restaure incomplètement l’Empire romain et ses reconquêtes de l’Italie puis de l’Espagne ne lui survivent pas. Les guerres meurtrières ont ruiné de vastes régions ainsi que les caisses de l’Empire. Néanmoins, sous Justinien, les textes du code romain sont rassemblés et classés pour constituer le Code Justinien qui perdurera. Les constructions se multiplient, forteresses, aqueducs, églises somptueuses à Constantinople (Sainte-Sophie), à Ravenne, palais impérial… Toutefois, rien ne semble pouvoir endiguer le flot des invasions qui submerge l'Empire de toutes les directions, Lombards, Perses, Arabes, Bulgares. Paniqué, le pape de Rome, Etienne II fait appel à Pépin le Bref pour contrer la marche des Lombards, peuple germanique chassé de Bulgarie et habité de visées expansionnistes. Le roi de France offre au pape le duché de Ravenne reconquis (756). Le pouvoir temporel du pape est reconnu. Constantinople est dépouillé de ses possessions romaines. Vers 1052, le schisme grec est prononcé entre l’Orient et l’Occident. L’histoire défile. Ce sacré Charlemagne apparaît avec ses atouts et ses faiblesses. Nulle hagiographie ici ! Sa férocité à combattre les Saxons, eux-mêmes pillards redoutables, n’est pas éludée. Puis l’Empire carolingien se disloque avec le partage de ses trois petits-fils. Les Sarrasins pillent au sud, les Normands au nord. La société féodale se construit sur les inégalités. Le noble est un soldat. Ses chasses lui rappellent la guerre et le nourrissent. Les venaisons rehaussées d’épices sont appréciées. Ses paysans sont des vilains (hommes libres des villas) et surtout des serfs (esclaves, servus en latin, attachés à leurs champs, à la glèbe) qui sont taillables et corvéables à merci (jusqu’à ce que le seigneur ait merci (pitié) d’eux. Les tournois sont des joutes parfois mortelles et le vaincu remet cheval, armes et rançon au glorieux vainqueur. Puis la vie se codifie sous l’égide de l’Eglise avec la paix et la trêve de Dieu qui régentent la guerre. Le chevalier prie, se confesse et communie. La colée du seigneur (un coup de poing brutal sur la nuque) est supplantée par la cérémonie religieuse où le prêtre bénit les armes. Les sentiments de courtoisie et de générosité apparaissent. Les villes se développent et constituent des débouchés pour les productions rurales. Les terres sont défrichées. Les paysans devenus ouvriers occupent les faubourgs dont les habitants s’appellent des bourgeois. Afin de circonvenir la prédominance des Nobles, les rois capétiens sauront s’appuyer sur eux.
Il est toutefois impossible de résumer le manuel de « Malet-Isaac » qui court jusqu’en 1492 et brasse l’histoire de l’église, les grands rois de France, Philippe Auguste, saint Louis, Philippe le Bel, etc., l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie, l’Asie, etc., la guerre de Cent Ans, la vie intellectuelle, etc. Le manuel scolaire se termine classiquement sur une conclusion et les dernières pages rappellent les principaux faits évoqués précédemment.
Bien que la trame du manuel d’histoire reste large, le récit est passionnant et remet dans les rails de la chronologie une histoire souvent morcelée et chahutée dans notre mémoire. Le lecteur a envie de prendre des notes tant le flot des informations fait naître des réflexions, établit des rapports, explicite des événements passés, éclaire des situations présentes, redonne sens à des mots ou à des expressions enracinés dans l’histoire. Le passé ainsi revisité est un plaisir constamment enrichissant.
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