[Magasin général. T. 4, Confessions | Régis Loisel, Jean-Louis Tripp]
A peine un an après le précédent volume, la paroisse de Notre-Dame-des-Lacs et le Magasin général ouvrent à nouveau leurs volets pour que le lecteur hume les parfums du printemps dans le Québec des années 1920 avec un 4e tome intitulé Confessions. Le village est cerclé de forêts. La vie rurale est soumise aux diktats des saisons. L’entraide est une nécessité mais le voisinage immédiat entraîne d’inévitables commérages dans son sillage. Ainsi, Jacques Brouillet doit-il régulariser sa situation avec Marie Ducharme car aux yeux des bigotes et à travers les bésicles du curé, il est impossible de vivre dans le péché en union libre. Si Jacques éprouve une réelle affection pour Marie, il ne peut répondre à son désir et il lui avoue son homosexualité. De confidences en confessions, la nouvelle circule entre quelques personnages plutôt clairvoyants et tolérants, du borgne à l’aveugle (Isaac et Noël), qui savent sentir au-delà des apparences la véritable personnalité des hommes. La fin de l’histoire reste ouverte. Dans la toute dernière image, les traces sinueuses des engins sur la piste au premier plan et la silhouette de Marie en contre-jour au loin disent simplement, avec retenue et pudeur, la sinuosité de la vie et l’imperfectibilité des êtres.
On pourrait penser que cet album ne fait pas franchement avancer l’histoire mais ce serait probablement une erreur car il apporte de l’épaisseur aux relations entre les personnages. Le désarroi de Marie est perceptible dans une cascade de cases toutes plus touchantes les unes que les autres qui culminent dans les deux planches des pages 18 et 19 dont une vignette est d’ailleurs reprise en couverture de l’album. L’alliance de Loisel et de Tripp au dessin est une réussite. La chair, les rondeurs et les profondeurs qu’apportent Jean-Louis Tripp aux crayonnés de Régis Loisel, les couleurs tout en nuances de François Lapierre, l’adaptation des dialogues en québécois de Jimmy Beaulieu ainsi que les conseils de l’historien Michel Laurent restituent la vie d’antan avec véracité. Les talents sont toujours délicats à fédérer mais l’entreprise est ici un succès. Si la nostalgie suinte inévitablement d’images chromos qui peuvent rappeler des bribes d’enfance à chacun, l’attrait principal de la série réside dans la complexité des rapports humains qui apparaît encore plus visiblement à travers des gens et une vie simples, à première vue. Comme tout un chacun ici-bas, le lecteur navigue à l’estime dans la pâte humaine.
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