[Amours fragiles. 1, Le dernier printemps | Philippe Richelle ; Jean-Michel Beuriot]
Le masque de la mort brune.
En 1942, la belle Catherine et Xavier Gance ont pris leurs quartiers sur la côte d'Azur dans une propriété familiale les pieds dans l'eau. Xavier peint en dilettante quand Catherine trompe le temps et son mari avec un jeune lieutenant de la Wehrmacht, Martin Mahner.
En 1932, Martin est lycéen dans une ville allemande de moyenne importance. Féru de littérature et de théâtre, il aimerait approcher sa nouvelle voisine, Katerina Braun mais il se sent gauche et emprunté car son éducation rigide ne l'a pas préparé à l'expression de ses sentiments. le nazisme se répand partout en Allemagne et les Juifs commencent à pâtir de l'ostracisme et de la violence systématique perpétrée par les paramilitaires du national-socialisme. Si la famille Mahner peut trouver sa place sur l'échiquier du mal en train de se consolider, la famille Braun, d'obédience juive, est d'emblée mise sur la sellette. Pour Martin, Katarina devient une passion impossible.
Initiée en 2001, la série "Amours fragiles" vient de trouver sa conclusion avec le tome 9 en 2023 soit une belle course d'obstacles en perspective sur plus de vingt ans. Que les auteurs arrivent au terme de leur entreprise est une performance mais qu'ils créent une oeuvre forte et durable dans le même mouvement est une gageure remarquable. le premier tome est particulièrement réussi. L'épisode introductif est rapidement étayé par un retour en arrière, dix ans auparavant, qui constitue la quasi-totalité de l'album. le flashback éclaire le passé de Martin lors de la montée en puissance d'Hitler. Si on peut déplorer la médiocre qualité du lettrage, on ne peut qu'être happé par les puissances narratives et graphiques conjuguées. La force des non-dits est déflagrante. le lecteur peut saisir l'état d'esprit de l'époque et comprendre les réactions face aux événements. Bien que les traits des visages sont simplifiés, on peut aisément y lire des gammes d'émotions et les conserver en mémoire tant elles sont à fleur de papier comme ce numéro de duplicité entre Catherine et Martin avec Xavier, dans la case du milieu, dépassé, blasé, fatigué.
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