[Les dragons de la frontière. 2, Cuerno Verde | Gregorio Muro Harriet ; Ivan Gil]

Go North !
Dénicher sous une pierre un crotale, le leurrer et s’en saisir sans être mordu est bien plus qu’un jeu d’enfant, tout un art rituel pour un jeune Hopi des terres arides d’Arizona. Walpi, le village hopi construit au bout de la mesa (butte tabulaire aux versants abrupts), reçoit une ambassade espagnole. Le lieutenant-colonel Anza, gouverneur de la province, mène en personne l’expédition pacifique visant à établir des liens respectueux avec les tribus indiennes. Malgré la clairvoyance politique et la bonté naturelle du gouverneur Anza, la tâche d’intégration sociale est d’autant plus rude que les Espagnols sont en nombre et en force pour occuper des terres indiennes ancestrales. Malgré un jeu biaisé, les Hopis acceptent les présents et invitent les Espagnols à leur danse sacrée de la pluie. Les crotales collectés dans les environs, tenus en bouche par les danseurs, seront ensuite dispersés dans le désert afin de porter aux divinités la demande de pluie. Anza sait ce qu’il fait, amical avec les pacifiques Hopis, combattant avec les guerriers Comanches dirigés par Cuerno Verde. Le gouverneur Anza met en place une stratégie militaire afin de provoquer une confrontation avec le chef comanche dans une bataille âpre et incertaine.
Documenté, le scénario d’Harriet propose un déroulement cohérent et circonstancié d’une expédition diplomatique et conquérante des Espagnols en terres des confins, elles-mêmes disputées entre Apaches et Comanches, presque un siècle avant les guerres indiennes de la conquête de l’Ouest dans ces contrées désertiques. Le récit historique n’entre pas dans le genre du western bien que l’expansionnisme espagnol soit similaire au colonialisme américain, la force de frappe en moins. Le scénariste humanise son épopée en exposant les destins individuels à l’exemple du sergent Beitia, surnommé « Nez aplati » ou encore Yl-Site, l’Indien blanc. Ivan Gil s’attache à dessiner l’odyssée avec un sens indéniable du mouvement et du paysage c’est-à-dire des grandes masses mais le rendu des personnages, physionomie et expression, est parfois approximatif voire malhabile. Si le souffle de l’épopée y est, celui des hommes un peu moins, limitant la teneur du scénario mais ne le bâillonnant pas pour autant. Le diptyque forme un bel ensemble qui éclaire sous un angle différent l’implantation européenne en Amérique et le choc des cultures.

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