[Le corps est le seul langage qui ne ment pas | Constance Flamand-Roze]
Voici une entrée en matière d'hypnose thérapeutique de lecture très abordable, car constituée de 26 cas exposés de manière extrêmement brève et succincte, regroupés par contexte ou typologie de pathologies : « L'hypnose à l'hôpital », les tics, les tremblements, « les aléas de la vie » - chagrin d'amour, deuil -, les addictions, les maladies incurables, les anxiétés, « l'impossibilité d'être soi » - anorexie, problèmes d'identité sexuelle -, les troubles du langage ; et enfin un chapitre 10, dont j'ai particulièrement apprécié l'honnêteté intellectuelle, qui, sous le titre « Quand tout n'est pas aussi simple », narre trois cas de faillite de la démarche hypnotique ; après un interlude contenant des conseils pratiques d'auto-hypnose quotidienne au cours d'une journée quelconque, le livre se clôt par une très jolie histoire des soins hypnotiques d'une dépression infantile sévère contée par les propres mots de la petite patiente de neuf ans appelée Lou.
L'étude de cas révèle discrètement quelques principes du déroulement des séances, notamment la « réification » du symptôme et le travail de l'imaginaire du patient qui est appelé, sous hypnose, à élaborer et exprimer une narration apte à modifier sa perception de son mal. À l'intérieur des récits, des paragraphes en italiques sont insérés qui fournissent des notions plus théoriques, mais tout aussi lisibles, sur la pathologie en question ou sur les principes thérapeutiques appliqués.
Outre l'intérêt des études de cas, et la prose agréable qui dérive de la métaphorisation des situations pathologiques, condition essentielle du soin, il me semble que le but recherchée par l'auteure dans ce livre est principalement d'indiquer l'étendue d'application possible de la pratique de l'hypnose, y compris dans des contextes apparemment inimaginables, comme dans le tout premier cas : celui de Guillaume, petit garçon atteint d'une tumeur au cerveau et dont l'opération de chirurgie cérébrale a été réalisée sans anesthésie autre qu'hypnotique, dans un dialogue ininterrompu avec la thérapeute, indispensable au neurochirurgien afin qu'il décide instantanément quelles parties lésées enlever sans compromettre les fonctions langagières de l'enfant.
Cit. :
« S'approprier l'hypnose, c'est l'intégrer comme un nouvel art de vivre. Les patients qui adhèrent totalement vont ensuite pouvoir se servir de cette nouvelle "technique" dans bien des situations de leur vie. Des personnes ayant arrêté de fumer, par exemple, vont utiliser les images utiles et nécessaires pour diminuer un stress, d'autres ayant géré leur trouble du sommeil vont savoir réifier une douleur... L'hypnose n'est pas un médicament, c'est une partie de nous qui s'exprime enfin, et qui change bien plus de choses qu'on pourrait le croire en commençant l'aventure. » (p. 72)
« Cet apprentissage vous permet de vous détacher d'un symptôme, de le transformer, ou de vous aider à y porter un nouveau regard qui va produire une changement. Et puis l'hypnose n'est sûrement pas un état de sommeil : c'est au contraire un hyper-éveil, celui qui vous permet de vous rebeller contre quelque chose et de vous mettre en mouvement. » (p. 106)
« Henry Szechtmann, en 1998, a proposé une expérience à huit sujets mélomanes : il leur a tout d'abord fait écouter un morceau de musique, et a regardé […] quelles étaient les régions cérébrales activées pendant cette écoute. L'activation de la zone concernée, située dans la profondeur du cerveau, se réduisait quand on demandait aux témoins d'imaginer ce morceau. Elle s'éteignait lorsqu'on leur demandait simplement de s'en souvenir. En revanche, en plaçant les sujets en état d'hypnose et en leur suggérant ensuite qu'ils entendaient cette musique, on observait la même activité cérébrale que lorsqu'ils l'entendaient vraiment. Le cerveau humain, en imaginant agir, activerait donc les mêmes zones qu'en agissant. » (p. 208)
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