[Lettres aux derniers lettrés : concernant la possibilité d’une littérature vraiment mondiale | Kenneth White]
Être au monde.
A travers ses essais, ses récits et sa poésie qui se répondent et s’intriquent, l’écrivain écossais Kenneth White poursuit un chemin de vie singulier et personnel dans l’aimantation spirituelle d’auteurs marquants (le « nomadisme intellectuel ») et les faisceaux mouvants d’une terre mémorielle et nourricière. Ses huit lettres adressées aux derniers lettrés ne dérogent pas au grand chantier intellectuel entamé depuis des lustres par Kenneth White, celui de la géopétique, pratique théorisée visant à restaurer une relation existentielle riche et fructueuse entre l’homme et la Terre. La première lettre ouvrant le recueil n’est pourtant pas la plus convaincante. Elle tente néanmoins de poser le déclin de la culture et de la civilisation et d’esquisser une voie inédite pour sortir du marasme. La seconde lettre s’intéresse à l’espace culturel slave à travers Pouchkine, Gogol et Dostoïevski mais là encore le propos mouline un peu. Le 3e chapitre intitulé « Déblayer le terrain » commence à entrer dans le lard des nantis de la culture bien-pensante avec justesse et brio. Le concept mercantile de « littérature-monde » prôné par Le Bris et Rouaud où le romanesque constituerait la « forme contemporaine de l’imagination créatrice » est rangé au niveau des foutaises. Vient ensuite une courte étude sur Goethe qui a su développer une « intelligence poétique du monde ». Quand Kenneth White pénètre ensuite dans le vif du sujet, il devient passionnant et toujours facile à suivre. Ses concepts de « littoralité », de « monde ouvert » ou de « monde blanc » sont particulièrement vivifiants. Toute la seconde partie de l’essai est un constant bonheur de lecture. Les idées dévidées aisément sur un ton fraternel, finement étayées, culminent dans l’ultime volet du recueil, « Le grand atelier de la traduction ». L’auteur sait viscéralement de quoi il parle et ses amendements portés par exemple à des traductions d’haïkus de Basho dit clairement qu’il faut être poète pour rendre la puissance originelle d’un autre poète. Là encore, le chantier est immense et ouvert, toujours à reprendre. Kenneth White sait bien qu’il lui a fallu faire des choix mais ses intuitions ont été justes et elles sont prometteuses : « Besoin d’un monde au-delà de l’humain ».
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