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[Le Livre du Dialogue | Edmond Jabès]
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apo



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Posté: Sam 20 Jan 2018 19:36
MessageSujet du message: [Le Livre du Dialogue | Edmond Jabès]
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Le dialogue doit être entendu ici non seulement entre deux personnes, impossible, au demeurant, car incapable de briser la solitude de chacun, mais aussi comme l'acte d'écrire, dialogue avec l'étranger qui est en soi et de telle manière dialogue avec le monde, et enfin dialogue du Juif avec son Dieu.
Dans cet ouvrage, plus que dans les autres Jabès lus jusqu'à présent, la transcendance, mais aussi l'immanence omniprésente de la mort m'ont parues consubstantielles avec le sujet principal, qui, par ailleurs, est toujours accompagné, jusqu'à la limite de sa propre occultation, par la pléthore de pensées afférentes, induites ou adjacentes.
Tout en étant souvent illuminée, parfois secouée par la fulgurance des aphorismes relatifs à tout ce grand ensemble du « soi dialoguant » - pourrait-on dire en extrême synthèse, mon attention s'est concentrée sélectivement sur le dialogue inter-humain et sur celui que comporte l'écriture en particulier. Mes citations – nombreuses : c'est mon rapport à cet auteur – en témoignent, sauf la dernière, qui m'a touchée émotionnellement pour son caractère, hélas, emblématique...


« - À qui parle-t-on en écrivant ?
À un être dont on ne sait jamais s'il est soi-même ou un autre.
-Parle-t-on à un inconnu ?
-Il serait absurde de le dire de cette façon et, pourtant, c'est bien cela que l'on pourrait avancer : ne s'adresser à personne, en parlant, c'est, peut-être, ne parler qu'à soi-même ; mais comment parler à soi-même sans faire, aussitôt, de soi un autre ?
[…]
Cet autre est non pas moi-même, ni mon invention. Il est ma découverte de l'autre en moi.
Esquisser le profil d'un mot sur un feuillet c'est, déjà, prendre langue avec la page blanche.
Tout ce que nous voyons, entendons, approchons, une fois reconnu, entre en dialogue avec nous.
Le livre ne serait, ainsi, que l'espace circonscrit par le mot ouvert au mot. Nous ne sommes pas écrits où il s'écrit, mais inscrits où il s'efface.
Il y a un langage de la tumulaire inscription que celle-ci nous impose en nous forçant au silence. Lourd silence en quête d'un signe.
Ah l'autre – homme, monde, Dieu – plus nous-mêmes que nous ne pourrions l'être dans le secret de ses aveux ; parole d'une parole à laquelle nous n'osons rattacher notre nom ; car si nous en sommes tributaires, elle, par contre, nous appartient à peine. » (pp. 13-14)

« À la question soulevée : "Y a-t-il un dialogue et comment peut-il s'établir entre deux étrangers ?", il répondit : "Il y aurait un avant-dialogue qui serait notre lente ou fébrile préparation au dialogue. Nous ignorons, sans doute, comment il se déroulera ni quelle forme il prendra, mais sans pouvoir, cependant, l'expliciter nous avons d'avance la conviction que celui-ci s'est, déjà, engagé : dialogue silencieux avec un interlocuteur absent.
Il y aurait, ensuite, un après-dialogue – ou après-silence. Ce que nous aurions pu dire à l'autre, au cours de notre échange de paroles – qui est, plutôt, un apprentissage de paroles – ne disant virtuellement que ce silence ; silence auquel nous renvoie toute parole insondable, creuse, en vain creusée, centrée sur elle-même.
Il y aurait, enfin, ce qui aurait pu constituer le dialogue proprement dit, irremplaçable, vrai mais qui, hélas, n'aura pas lieu, débutant au moment où nous prenons congé l'un de l'autre, rendus, tous deux, à notre solitude." » (p. 17)

« La parole doit sa force, moins à la certitude qu'elle marque, en s'articulant, qu'au manque, à l'abîme, à l'incertitude inventive de son dit. » (p. 45)

« "Je parlerai sans m'interrompre pour celui qui ne dit plus rien, non pour l'inciter à m'imiter, mais afin de le conforter dans son mutisme. Si éloquent est son silence", avait-il noté.
Et plus loin : "C'est toujours le silence qui parle à celui qui lui sacrifie ses mots." » (p. 57)

« "Si ma question appelle, de ta part, une réponse ; celle-ci pourrait-elle prétendre, à elle seule, avoir épuisé la question ?
Si ta réponse appelle, de ma part, une question ; celle-ci pourrait-elle prétendre, à elle seule, s'être débarrassée de la réponse ?
Tout se passe comme si la réponse mourait de la question introduite et la question, de la mort prématurée de la réponse.
On n'interroge que le néant", avait-il noté. » (pp. 64-65)

« "Qui pense, demandait-il, lorsque nous pensons ? Nous sommes environnés de pensées ; c'est ce qui faisait dire à un sage que nous sommes des voleurs de pensées.
J'ai le sentiment qu'en pensant, nous projetons, autour de nous, une foule de pensées contenues dans la pensée vers lesquelles nous nous précipitons, tels des enfants à la poursuite du papillon qui les émerveille." » (pp. 91-92)

« "Celui à qui on a pris le soleil n'a pas reçu, en échange, la lune.
Désormais son ciel ne compte aucun astre", disait-il encore.
Mais il lui fut répondu : "Ne crois pas cela. Il reçut, une fois, une étoile en tissu, à coudre sur sa poitrine, et il est mort pour elle." » (p. 109)

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