La nature en portée.
Habitant un village frontalier des Préalpes italiennes, le narrateur anonyme est artisan sculpteur et « accompagnateur » de migrants à travers la montagne. Alors qu’il a pris l’habitude de restituer le prix du passage aux clandestins une fois la frontière franchie, son altruisme est pris en défaut quand un heureux bénéficiaire en fait l’éloge et la publicité à travers la publication d’un livre à succès. Le sculpteur met en porte-à-faux et en colère les deux autres passeurs du village qui se font rémunérer. Déclenchant malgré lui la vindicte des villageois, le sculpteur prend la tangente et atterrit dans une petite ville du littoral transalpin. Là, il loue son savoir-faire et convainc sans le chercher vraiment le curé puis l’évêque qu’il pourrait peut-être restaurer une croix en marbre. Il lui faudra ôter un drapé pudibond ajouté après que le chef-d’œuvre eut été réalisé par un jeune sculpteur au début du XXe siècle.
Mettre à nu le corps du supplicié passe par l’identification, la connaissance et l’humilité. A tâtons, le narrateur va découvrir les parties invisibles de la sculpture et ainsi pouvoir la déchiffrer dans son intimité. L’écrivain napolitain Erri de Luca sait faire resplendir la lumière des hommes quand ils œuvrent pour les autres, sans compter. Le lecteur pourrait parfois regretter que le narrateur ne prenne pas partie, ne s’emporte jamais et puis on se laisse ferrer par le détachement du sculpteur dans ses traversées spirituelles et géographiques : « Il savait que la fin du monde coïncide et se répète avec la mort de chacun. Le ciel se repliait comme un rouleau en même temps que ses râles ».
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