L’intelligence des vers de terre.
Il fallait oser un titre aussi peu accrocheur. Pioché au maigre rayon librairie du supermarché local non bio, un temple de maudits, assurément, parcouru à l’aveuglette, glanant en glandant, entre la pâte brisée et les carottes râpées, la glandée fut néanmoins gagnante. L’abécédaire allant à hue et à dia, par sauts et gambades, caracolant dans un style limpide, broutant parfois un peu quand le concept trop simplifié s’évide ou lorsque les beaux sentiments accumulent les poncifs bêlants, la lecture apporte toutefois en fin de course une sensation bienfaisante de satiété heureuse même si le prix de l’opus étique fait tiquer. Pierre Rabhi se dévoile pudiquement et se grandit sans se hausser du col. L’ajout en épilogue du discours du chef Seattle arrache toujours des sanglots rageurs bien qu’il soit connu, ressassé en vain, surtout quant on songe au cloaque qu’est devenue la ville américaine éponyme et qu’on voit l’ultime descendante de Seattle, princesse Angeline, clocharde édentée, vieillarde au port noble, photographiée par Curtis, « L’attrapeur d’ombres », morte dans la misère au tout début du XXe siècle, emportant dans l’oubli sa langue, sa culture et la beauté native du monde.
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