Robert Coublevie, accompagné de sa chienne Elia, est un marcheur céleste des confins. Il arpente la crête frontalière franco-italienne des Hautes-Alpes désertée et délaissée sans jamais en franchir la ligne. Son pote Jean, ancien chartreux, fait de même depuis l’Italie. Ils se croisent au sommet, philosophent dans les casemates abandonnées, partagent leurs repas et s’entraident le cas échéant. Une amitié de trimardeurs les unit au-delà des phrases et des maux. Robert retourne de temps à autre sur Briançon où il a laissé ses souvenirs en berne. Lorsque sa femme Elia l’a abandonné au profit du professeur de gymnastique, il s’est élevé vers les sommets alpins pour y croiser la beauté du monde et y dénicher une paix intérieure. Au Café du Nord, Robert retrouve ses repères parmi les habitués. Camille, la fille du bistrotier Sylvain Taliano va entraîner Robert Coublevie dans le dédale de sa vie brisée. Le meurtre d’Yves Tissot, « l’agrégé des douanes », aux improbables chaussures jaunes amène les enquêteurs sur les traces de Coublevie qui, découvrant le pot-aux-roses, décide de jouer la fin de partie à sa manière, joyeuse et désinvolte.
Comment un roman doté d’un tel potentiel peut-il décevoir ? Peut-être le lecteur en attend-il trop après avoir lu des phrases comme : « Un jour prochain, les limites des anciennes nations ensorcelleront le monde. » On attend la suite qui déçoit en ne creusant pas le sillon que l’idée a tracé. Les poètes, les rêveurs, les amoureux iront plutôt cheminer dans les blancs géographiques engendrés par la désertification, l’abandon et l’oubli, d’anciennes terres de mémoire ensevelies sous les orties. Le roman d’Yves Bichet recèle de belles agates lorsqu’il esquisse à grands traits les fulgurances des paysages traversés : « Les lumières n’en finissent pas de mourir. Maintenant c’est le crépuscule. » Quelques phrases contiennent parfois une maladresse ou une indélicatesse surprenantes par exemple lorsque Coublevie compare sa femme à sa chienne portant le même prénom et disant qu’il les a beaucoup caressées. Plus loin on peut lire une réflexion qui peut prêter involontairement à sourire : « Il n’y a que deux choses qui fassent vraiment peur dans la vie : l’amour et les transports ». Est-ce que l’auteur entend par « transport » ceux des sens ? Enfin, l’intrigue policière et sentimentale est un peu fastidieuse, molle du genou, décousue. En revanche, les toutes dernières phrases du roman sont splendides.
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