[Astérix. 22, La grande traversée | René Goscinny ; Albert Uderzo]
A partir d’une simple intoxication alimentaire due aux poissons faisandés d’Ordralfabétix, la querelle dégénère en bataille villageoise. A l’extérieur, une patrouille romaine passant à proximité se délecte de ne pas être prise à partie. Tout ne pourrait être que vétilles jusqu’à la prochaine livraison de fretins frelatés via Lutèce si la poiscaille « relativement fraîche » n’entrait dans la composition de la potion magique. Or Panoramix n’a pratiquement plus de potion en réserve. L’heure n’est peut-être pas encore grave mais il est urgent pour Astérix et Obélix d’embarquer afin d’aller pêcher. Les deux compères sont plus aptes à baffer le sanglier qu’à gaffer et lancer le filet. De plus, la tempête se lève et les vents poussent vers le grand large. Les Gaulois dérivent longtemps avant de débarquer sur une terra incognita. Les dindes sauvages remplacent le sanglier et les Indiens font leur apparition. D’abord capturés, Astérix et Obélix vont montrer avec bonhomie et naturel leur force prodigieuse puis gagner l’estime des autochtones. La fille du chef indien est présentée à Obélix qui préfère prendre la fuite à la cloche de bois (à la Bretonne) plutôt que d’accepter des fiançailles. Entretemps, des Vikings ont abordé aux Amériques. Croyant découvrir un nouveau monde, ils accostent et recueillent les deux Gaulois en fuite. Ramenés au Danemark comme preuves vivantes de l’existence d’un autre monde au-delà des mers, ils sont démasqués par un marin gaulois réduit en esclavage au profit d’Obsen, chef de clan vulgaire et tonitruant. A nouveau en fuite et cornaqués par le marin, ils reviendront en bateau, chargés de poissons frais.
Jugée injustement à sa sortie comme un album mineur dans la production de Goscinny et d’Uderzo, « La grande traversée » est une aventure pleine de fraîcheur et superbement dessinée. Les calembours et les gags ne viennent pas plomber mais enjoliver le déroulement d’une errance maritime intéressante en elle-même. Les Indiens, confondus par le duo à des Romains puis à des Ibères et encore à des Thraces sont traités avec élégance par le scénariste. Curieusement, le dessinateur leur a donné la bobine des Corses. Les Indiens sont rusés et vivent en osmose avec la nature. Ils piègent facilement les Gaulois mais fraternisent rapidement. Les Vikings se trompent aussi quant aux aborigènes. Ils découvrent un continent mais ne vont pas au-delà du rivage. Le malentendu est constant mais le doute engendre des interrogations fructueuses, dignes d’Hamlet. Le mot de la fin est judicieusement placé dans la bouche de Panoramix : « Par là… Une sorte d’île… Tiens, tiens, tiens ! »
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