[Casino. 4, Le cœur d’une mère ; Une chatte pour le roi ; Cri d’amour | Leone Frollo]

Déjà la 4e livraison du « One Two Two », claque parisien du début du XXe siècle ! Il s’agit des épisodes 10, 11 et 12 parus en décembre 1985, janvier et février 1986. Restent encore huit épisodes avant de refermer définitivement les portes de la série réalisée par le grand Leone Frollo. Editée chez Delcourt dans une version non censurée, Casino ne cache rien des anatomies et des travers humains mais demeure d'une légèreté bon enfant, d'un élan primesautier comme si tout ce qui arrive dans le bordel ne pouvait être totalement vrai. Peut-être est-ce dû aussi au trait épuré de Leone Frollo, le "Lion de Venise" jouant sur les contrastes et bannissant toute surcharge de l’image ? La présente édition ne rend pas grâce à la finesse du graphisme du maître transalpin. On est plus proche de l’empâtement du trait que de la sveltesse ailée. Pourtant, les femmes sont toujours amoureusement croquées et délivrent généreusement leurs courbes sensuelles, leurs visages gracieux et leurs rires de gorge.
Les trois histoires assemblées sont inégales. La première, « Le cœur d’une mère », étale sans vergogne un inceste dont le lecteur pourrait se passer sans l’once d’un regret. La seconde, « Une chatte pour le roi » est nettement plus intéressante. Même les jeux de mots lourdingues passent. L’exercice de ventriloque ne mange pas de pain et permet de faire parler des sexes d’habitude limités quant à leur expressivité. Au « One Two Two », la maison-close tenue par Madame Georgette, les affaires ronronnent. Les clients vont et viennent, déboursent et repartent, le sourire aux lèvres, pour retrouver bobonnes au foyer qui se confisent dans l’ennui. Le bourgeois a ses habitudes, ses aises et ses désirs assouvis. Madame Georgette aimerait toutefois dynamiser son entreprise, mettre en place une « attraction pour relancer l’intérêt de la clientèle ». Elle entend parler d’une femme capable de s’exprimer avec son sexe. La tenancière fait le déplacement dans les bas-quartiers lyonnais afin de dénicher la fine fleur du pavé, une jolie jeune femme de dix-huit ans, vierge de surcroît. Bien qu’elle ne soit pas capable de prononcer les labiales et les dentales car sa « chatte n’a pas de dents alors elle avale un peu certaines lettres ! », Georgette l’embauche avec l’espoir de la faire dépuceler par le roi Wenceslas d’Estonie en voyage officiel à Paris. Le dernier récit, « Cri d’amour » retrouve le ton crapoteux et sinistre des mauvais feuilletons policiers. Une des filles du bouge nouvellement recrutée ne peut s’empêcher de jouir en hurlant. Madame Georgette lui fait aménager au sous-sol une alcôve douillette et capitonnée. Aucun son ne filtre au-dehors. Un assassin en profite pour l’occire et prendre la poudre d’escampette sans être inquiété. Loin d’effaroucher la clientèle, le bourgeois rapplique de plus belle et cherche une excitation nouvelle dans des nouveaux jeux de rôle, meurtrier et victime, inventés pour la circonstance. Tout se recycle au « One Two Two » sous la férule maternelle de Madame Georgette. La liberté de ton de Leone Frollo est réjouissante et la redécouverte de son talent est une indéniable fontaine de plaisir bien que la série se répète et s’essouffle.

----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]