J'ai eu ma période russophile... littérairement parlant, s'entend !
Cela remonte à quelques années maintenant, alors qu'au lycée, le russe était ma troisième langue vivante (je n'en ai malheureusement guère gardé de trace). Tolstoï, Tourgueniev, Soljenitsyne, Pasternak... je ne me lassais pas de la plongée dans ces textes souvent très longs, dont le souffle épique, la grandiloquence m'enchantaient.
Dostoïevski est passé, je ne sais pas pourquoi, au travers de cette boulimie. Je crois n'avoir alors lu de lui que "L'éternel mari", dont je n'ai aucun souvenir.
La proposition de lecture commune lancée par Métaphore a été l'occasion d'extirper de ma PAL "Les frères Karamazov" que, m'étais-je dit en l'achetant, il faudrait bien que je lise un jour...
Et j'en suis ravie, puisque j'y ai retrouvé les éléments de mon plaisir adolescent : la densité, l'exaltation, "l'âme russe", en somme...
Les frères Karamazov sont trois (voire quatre, si l'on compte le valet de Fédor, le père, dont il serait le fils naturel).
Dmitri est le fruit d'une première union, alors qu'Ivan et Aliocha partagent la même mère. Au moment où débute le récit, les deux épouses de Fédor sont mortes depuis plusieurs années. Ce dernier, occupé à mener une vie de débauche, a toujours délaissé ses garçons.
Le nœud de l'intrigue prend sa source dans le conflit qui oppose l'aîné Dmitri à son géniteur. Un conflit motivé par une histoire de spoliation d'héritage, et attisé par l'attirance qu'éprouve les deux hommes pour Grouchenka, belle jeune femme à la réputation douteuse.
Je ne vous détaillerai pas davantage le synopsis de cette œuvre dense, aux ramifications multiples...
On présente souvent "Les frères Karamazov" comme étant le récit d'un parricide. Précisons que, si meurtre il y a, il ne survient qu'à la moitié du texte, et qu'il semble finalement n'être qu'un prétexte pour révéler la complexité de la psychologie des personnages, et la force des contradictions qui les hantent.
Dmitri est sans doute le héros qui exprime avec le plus d'éloquence les luttes à l’œuvre dans ce roman, qui font s'affronter la propension naturelle des individus à se laisser gouverner par leurs instincts et leur volonté réfléchie de les maîtriser. L'aîné des Karamazov est torturé par la véhémence de ses émotions, de ses colères, et ses efforts démesurés pour les réfréner le mettent dans un état d'agitation incontrôlable.
Face à cette effervescence, le jeune Aliocha oppose sa sérénité, sa certitude de la présence, en l'homme, de quelque chose de bon, et son absence totale de jugement envers autrui. Aliocha est "un ange", le symbole de la rédemption possible de l'individu, la preuve que même si l'on est un Karamazov, doté a priori d'une hérédité qui prédestine à la bassesse et à la débauche, on peut contrer cette malédiction.
Ivan, quant à lui, taciturne et sérieux, en proie lui aussi au questionnement, mais à un questionnement plus vaste, plus existentiel que Dmitri, cherche des réponses sur la piste théologique, oscillant entre scepticisme et foi latente.
Autour des trois frères et du père Fédor, être répugnant, de mauvaise foi, sans morale, orbite une myriade de personnages secondaires, chacun ayant sa place dans le vaste édifice que constitue l'intrigue.
Entre tous ces protagonistes se nouent des rapports complexes, menant à des situations parfois inextricables, à des malentendus souvent lourds de conséquences.
Il y a, dans l'outrance de certains héros, dans le caractère inéluctable de certains événements, une sorte de théâtralité qui dote le roman d'une grandeur tragique, et lui confère un rythme enlevé.
C'est pourquoi, en dépit de sa longueur et de la complexité de certains passages quelque peu rhétoriques, je ne me suis pas ennuyée une seconde au cours de cette lecture riche et vivante.
Bon, je crois qu'il faudra bien qu'un jour je lise "L'idiot", et "Crime et châtiment", et "Le joueur", et...
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