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    Répondre au sujet L'agora des livres Index du Forum » Littérature générale    
[le voyage au bout de la nuit | Louis Ferdinand Céline]
Auteur    Message
oneteam1time



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 21 Avr 2008
Messages: 9
Localisation: herblay
Âge: 76 Bélier


Posté: Ven 22 Juin 2012 0:46
MessageSujet du message: [le voyage au bout de la nuit | Louis Ferdinand Céline]
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Tu lis quelques pages de Céline et tu sais que jamais tu n’existeras, ta seule consolation, tu appartins à la dernière génération capable de le lire dans le texte, en état de l’apprécier, sans l’aide d’un paquet de dicos, et encore, pas tous les lecteurs de ta génération, fallait pas naître avec une cuillère en argent dans la bouche, à moins que l’on n’eusse fréquenté les cours d’écoles populaires de certains quartiers, et parisiens encore, du temps où Paris incorporaient les banlieues environnantes, quand les gens sortaient des fortifs..
On lit facilement aujourd’hui Victor Hugo, Zola, Proust ou Baudelaire mais lui, bientôt plus personne ne le pourra, seuls quelques érudits, des genres de médiévistes, linguistes, archéologues du langage des générations futures ; ces experts se pencheront sur lui, comme on décortique Rabelais, car il demeure le Rabelais de notre génération, déjà abscons, et, comme lui, il aura révolutionné la forme du langage, son empreinte reste dans ce qu’il advint de la littérature après lui, il a remodelé, fait exploser la forme par les libertés qu’il se permit.
Ne paraîtront plus que des pavés rebutants, remplis de notes de bas de page, glossaires, lexiques et tutti quanti, chiants quoi …
Il n’appartenait pas au sérail, un vague toubib de plus de trente ans, inconnu au bataillon sort un pavé, le Voyage, car en plus de la forme, le fond, un livre qui parle, en 1932, – de mémoire – , des stupides atrocités de la guerre, de la cruauté du colonialisme, des imbéciles alcoolos qui gèrent l’empire colonial : une partie du livre se déroule en Afrique, du travail à la chaîne : une autre se passe à New York et à Chicago, des trafiquants exploiteurs de chairs humaines, passeurs de tous poils en bateau, des drogues, surtout le pinard, mais aussi l’éther, l’opium, l’absinthe, de la pratique de la médecine dans les quartiers misérables, description de la vie des petites gens, des avortements clandestins, de la médecine dans les asiles d’aliénés, des coulisses des cabarets de Pigalle etc.…
Idées dangereuses, d’avant-garde, toujours d’actualité, une façon de voir, une recette d’observation de la société, à ne pas mettre devant tous les yeux, qui sait …. on pourrait se mettre à penser !
Peu savent, encore moins l’ont lu, même ceux dont les professions tournent autour de la lecture, parce qu’il s’est mis au banc de la société, c’était un salaud fini, il a commis des pamphlets exécrables, on trouve certains de ses livres pour une petite pièce sur les brocantes car il fait partie des « programmes ».
Lorsqu’on le voit et l’entend s’exprimer dans les archives sonores et visuels que l’on possède de lui, au milieu d’une pleurnicherie certaine, du délire de la persécution, on perçoit qu’il possède toutes les arcanes d’un langage châtié, langage qu’il n’utilisera pas dans son œuvre, comme les grands peintres, virtuoses en dessin, dont les toiles présentent des variations abstraites de la réalité, dont seuls les spécialistes connaissent les tenants et les aboutissants.
Qui se soucie, aujourd’hui, des crimes de Caravage, qui connaît les opinions politiques de Lord Byron ou de Lamartine, des innombrables remarques antisémites, des propos sur les nègres qui foisonnent dans les livres des plus grands noms de la littérature du 19ème siècle ?
Il restera avec Proust, dont il fit exploser le langage, un des maîtres de notre langue et le dynamiteur du roman.
Dédé a 72 ans, ce qui le fait naître en 1940, mon père sortait du ruisseau en 1905, à cinq ans, j’atterrissais rue de la Main d’Or, j’suis de la bastoche, si j’suis né par terre, c’est d’la faute à Voltaire, sans instruction, au fond de nos poches, les clés, pas besoin de les jeter : la porte claquera derrière nous …

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Re: [le voyage au bout de la nuit | Louis Ferdinand Céline]
Auteur    Message
C-Maupin




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Inscrit le: 06 Mai 2006
Messages: 1917


Posté: Ven 22 Juin 2012 7:28
MessageSujet du message: Re: [le voyage au bout de la nuit | Louis Ferdinand Céline]
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« oneteam1time » a écrit:
on perçoit qu’il possède toutes les arcanes d’un langage châtié, langage qu’il n’utilisera pas dans son œuvre …

Il m'a semblé au contraire qu'il a usé, dans "le voyage", de tous les registres de la langue, contrairement à ses imitateurs qui se refusent (ou sont incapables d'en user) le langage châtié.
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Re: [le voyage au bout de la nuit | Louis Ferdinand Céline]
Auteur    Message
Swann




Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 19 Juin 2006
Messages: 2642


Posté: Ven 22 Juin 2012 11:39
MessageSujet du message: Re: [le voyage au bout de la nuit | Louis Ferdinand Céline]
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« oneteam1time » a écrit:
Il restera avec Proust, dont il fit exploser le langage, un des maîtres de notre langue et le dynamiteur du roman.

J'ai lu quelque part que le style de Sartre a changé après l'avoir lu.
Je ne méconnais pas le tribut littéraire qu'il faut rendre à Céline, et chaque relecture du Voyage m'éblouit davantage.
Hélas, à force de s'excuser de le faire encore lire à la jeunesse, avec toutes sortes de précautions oratoires qui ont l'effet inverse de celui qu'on recherche, on en arrive à cette aberration : un candidat du Bac auquel je demandais une présentation du roman (inscrit sur sa liste) me répondit avec la hauteur d'un Résistant sommé de collaborer qu'il n'avait jamais été question pour lui de lire l’œuvre d'un antisémite et qu'il aimait mieux avoir zéro à la question...
Rolling Eyes
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