[Magasin général. T. 6, Ernest Latulippe | Régis Loisel, Jean-Louis Tripp]

La chronique québécoise de la paroisse de Notre-Dame-des-Lacs poursuit son chemin pas toujours bonhomme : « Avec c’qui tombe, la route… Ça va être une drôle de bouette… ». Ernest Latulippe, 6e tome de Magasin général embraye là où le précédent volume avait laissé l’histoire en suspens. Marie est partie avec Jacinthe vivre quelque temps à Montréal dans l’appartement de Serge. Le village pendant ce temps est resté en souffrance car plus personne ne tient le magasin de Marie et il est quasi impossible de se ravitailler sans cela, la piste et la charrette n’étant pas adaptés au mieux et surtout, les villageois sont incapables d’avancer les fonds nécessaires à l’achat des marchandises. Les fournisseurs ne les connaissant pas nommément, ils refusent de faire crédit. Chacun réalise le dévouement et la compétence de Marie dans ce domaine. Serge veut bien essayer de dépanner la communauté mais la pluie et les crues rendent la circulation malaisée. Il faut rebâtir le pont de bois emporté par le courant. Puis Marie finit par avoir le mal du pays et revient avec Jacinthe. Elle est coiffée, habillée, maquillée avec une élégance que les hommes admirent en cachette et que les autres femmes envient sans vraiment l’avouer. Le cours des choses pourrait reprendre mais Ernest Latulippe vient quérir de l’aide au village car son frère Mathurin a été sérieusement blessé par une ourse. Pour atteindre la cabane des deux frères, il faut prendre le canoë. Les portages sont fréquents mais finalement, Serge, Jacinthe, le curé et Ernest retrouvent Mathurin dans un sale état, allongé, infesté de mouches. Il faut agir vite mais les moyens du bord sont limités.
A nouveau, le lecteur peut s’engouffrer dans ce monde oublié à la parlature si expressive comme s’il était chez lui. C’est vrai que les tournures des phrases rappellent le patois normand et que les mots ont une résonance familière. On pourrait croire qu’il ne se passe rien de bien folichon dans ce énième tome et pourtant c’est toute la polyphonie du village qui s’exprime dans cet album et c’est très agréable de s’immerger dans un monde qui prend le temps d’exister. Comme à l’accoutumée, le dessin est royal et les couleurs sont au diapason de l’œuvre, superbes.

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