Larry Markham est un vétéran du Vietnam… là, vous vous dîtes : « et voilà, un récit de plus sur l’un de ces pauvres bougres suicidaires qui noient dans l’alcool les réminiscences des horreurs vécues, dont la vie est définitivement foutue, voire qui est devenu psychopathe… » et là je vous réponds : « vous, vous ne connaissez pas Stewart O’Nan ! ». Stewart O’Nan n’a pas besoin de faire dans le sensationnel ou dans le larmoyant, pour que ses romans soient touchants et passionnants. Il sait écrire sur la douceâtre amertume dont est parfois paré le quotidien, sur les complications et les désillusions inhérentes aux relations que l’on a avec autrui, et tout cela presque sans en avoir l’air. C’est juste que ses personnages, bien qu’ils n’aient pas du tout vécu les mêmes expériences que nous, nous ressemblent terriblement. On se reconnaît dans leurs doutes, leurs faiblesses, et surtout dans cette énigmatique volonté de continuer à avancer, en dépit des coups durs et des désespoirs.
Bien, revenons-en à ce cher Larry… qui, s’il n’a pas rapporté du Vietnam des poussées suicidaires ou des tendances alcooliques, est affligé d’une culpabilité latente, qui lui colle à la peau, parce qu’il n’a pas été capable de ramener tous ses compagnons sains et saufs, alors qu’il s’agissait, puisqu’il était infirmier, de son devoir. Il vit en permanence avec leur souvenir, qu’il entretient même avec une certaine nostalgie. Il s’impose l’obligation d’être reconnaissant à la vie, par respect envers ceux qui l’ont perdue, mais ce n’est pas si facile : si le Vietnam paraissait être l’enfer, l’existence qu’il mène à son retour aux Etats-Unis n’est pas vraiment le paradis... un fils handicapé, des problèmes de couple, des relations tendues avec les membres de sa famille, et pour couronner le tout, un mystérieux inconnu, rescapé du Vietnam lui aussi, l’entraîne sur un menaçant jeu de piste.
Qu’il décrive le quotidien macabre et interminable des soldats en pleine jungle, ou la difficulté à composer avec les aléas d’une vie plus « banale », Stewart O’Nan sait toucher juste : « Le nom des morts » est un livre très fort.
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