Max
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Âge: 44
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Posté: Jeu 05 Nov 2009 13:26
Sujet du message: [La convocation | Herta Müller]
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Un jour, elle a glissé un message, un appel au secours enfantin, dans la poche des pantalons qu'elle confectionnait pour une grande maison de couture italienne : Ti aspetto. Ses petits papiers découverts, on les condamna, les qualifiant de prostitution sur le lieu de travail. Depuis, elle est régulièrement convoquée. Et dans le tramway qui la mène une fois de plus au bureau de la Securitate, la narratrice lutte pour ne pas se laisser entraîner par son angoisse et ne pas perdre la tête.
Ainsi, au grès de ses pensées, trois types de narration se succèdent et s'entremêlent : le regard de la narratrice sur le conducteur et les autres passagers du tramway, le retour sur les épisodes marquants de sa propre vie, et l'anticipation de son prochain interrogatoire. Car, bien qu'elle tente de la maintenir à distance, la réalité imminente est trop forte et s'impose par intermittence : la narratrice se voit devant son inquisiteur, le commandant Albu, un homme qui, chaque fois, lui écrase les doigts quand il lui baise la main et y laisse une trace mouillée, humiliante, et qui lui pose sans cesse les mêmes questions auxquelles elle ne sait plus quoi répondre.
Dans ce récit, l'attention est d'abord portée aux détails, à ce qui fait que la liberté des personnages se rétrécit inexorablement, que leur existence est comprimée par des humiliations quotidiennes, que leur humanité est niée avec une cruelle permanence. Herta Müller décrit avec finesse la réalité intime et journalière de la dictature, la peur rampante coutumière qu'elle impose sur chaque individu, sur chaque événement, moment et geste de la vie de tous les jours, et qui, insidieusement, influe sur tout et tout le monde, rendant chacun paranoïaque. Une dénonciation forte et habile de l'oppression vécue au quotidien.
Cette position résolument politique est servie par une langue comprimée, souvent difficile, et qui emprunte à la fois à la poésie et au langage populaire. En effet, la langue d'Herta Müller est ardue, caractérisée par des phrases courtes, mais aussi très imagée et riche en métaphores. Ces déambulations allégoriques perdent parfois un peu le lecteur dans leurs méandres, mais donnent aussi une certaine musicalité au récit. Cette forme singulière de l'écriture de Herta Müller surprend, déroute et finalement, quoique difficilement, conquiert.
« Dans mon désir de savoir comment marche la vie, en revenant de chez le cordonnier, je passai en revue toutes les possibilités d'en avoir assez du monde. La première et la meilleur : comme la plupart des gens, ne jamais être convoqué et ne jamais perdre la tête. La deuxième : ne jamais être convoqué mais perdre la tête, comme la femme du cordonnier et Madame Micu au rez-de-chaussée, près de l'entrée. La troisième : être convoqué et perdre la tête comme ces deux femmes que l'on avait rendues folles dans cet établissement. Être convoqué et ne jamais perdre la tête, comme Paul et moi, est la quatrième. Elle n'est pas particulièrement bonne, mais s'agissant de nous, c'est la meilleure. Sur le trottoir, il y avait une prune écrasée, des guêpes s'en gavaient, des petites qui venaient à peine de naître et des vieilles. Si une famille entière trouve place sur une prune, qu'est-ce que cela doit donner... Le soleil quittait la ville, attiré vers les champs. A première vue, il était fardé de couleurs criardes pour le soir, mais à bien y regarder, il était fusillé, rouge comme une masse de coquelicots, aurait dit l'officier de Lilli. Oui, c'est la cinquième possibilité : être jeune, belle plus que de raison, ne pas avoir perdu la tête mais être morte. Et pour cela, point besoin de s'appeler Lilli. »
le cri du lézard
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