Je me convaincs qu'un chef d'oeuvre invente toujours un langage original et adapté. Ainsi est le langage de Momo, qui n'est pas seulement un langage d'enfant, mais aussi celui d'un "créolisé" dans le quartier multiculturel de Belleville - et ce fut véritablement une intuition géniale d'en souligner la valeur fondatrice de littérature ("littérature migrante" et non "littérature de la migration") déjà en 1975 alors que Ben Jelloun était encore à ses balbutiements... C'est aussi un langage d'orphelin, de "fils de pute", de marginal pour qui le "bonheur" serait une "piquouze" dont on ne veut pas, d'enfant sans âge (aux deux sens littéral et métaphorique) qui rêve de clowns bleus et jaunes et dont un fidèle compagnon est le parapluie Arthur...
L'histoire d'amour entre l'enfant arabe et la vieille Juive, touchante à l'extrême, m'a fait songer à Kim de Kipling, autre roman de prédilection pour moi. Mais là s'arrête l'analogie, car Momo est profondément affligé, peut-être même désespéré (ne fût-ce pour la touche d'espoir de son dernier interlocuteur, Nadine, mais était-il vraiment nécessaire?): l'angoisse de la vieillesse de l'auteur semble se trouver davantage chez lui que chez la vieille Madame Rosa: là encore l'enfant n'a pas d'âge...
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