Tabucchi, le bel Antonio Tabucchi, est depuis quelque temps la coqueluche de l'edizione italienne. Il vient de franchir les Alpes sous la calandre de Christian Bourgois, nous apportant un brin de fraîcheur et une immense fantaisie qui font de lui, à coup sûr, le plus précieux rejeton du très docte tandem Calvino-Pirandello. Spécialiste de l'entourloupette, grand manitou du mirage, Antonio Tabucchi nous prouve que la nouvelle vague italienne, aujourd'hui, a bel et bien abandonné les pesants labourages du réalisme et de l'engagement pour s'en aller gambader sur de frêles gazons où tout n'est que jeu, badinage, leurre et mensonge. Aussi biscornu que sa tour de Pise natale, aussi affecté que le fourbe Pessoa dont il est le spécialiste, plus borgésien que Borges, Tabucchi, quarante-quatre ans, chante le retour à la littérature pure, la vraie, celle qui n'a pas d'autre alibi qu'elle-même ! Comme ses jeunes comparses Daniele del Giudice ou Andrea de Carlo, il aime l'écriture minimale, les phrases en sauts de puces, les formes brèves, toute une microspéléologie avec laquelle l'écrivain sonde ses propres errances, ses incertitudes, ses diaboliques glissades dans ce grand vide central dont le roman se nourrit depuis qu'il est ce qu'il est : une machine à distiller les chimères, un alambic à illusions. " André Clavel Le Matin, 1987. |